Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 20.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
179
notes et discussions

d’autres caractères pathologiques et non ataviques venaient s’y ajouter, la dyschromatopsie, par exemple, la parésie unilatérale, le développement inégal des pupilles. Ces observations n’ont pas été greffées artificiellement sur mon premier travail ; elles sont venues se superposer lentement et ont servi à relier mes études entre la première et la troisième édition.

C’est seulement, après celle-ci, et pendant que je préparais mes matériaux pour traiter, dans un second volume, du criminel épileptique, — car j’avais compris depuis longtemps que celui-ci exigeait une étude à part, — que je m’aperçus que, dans cette dernière forme, rentrait complètement le fou moral ou le criminel-né. Ainsi se comblaient ces lacunes qui restaient encore dans mon esprit pour expliquer les phénomènes pathologiques purs, et non plus ataviques, que l’on remarque chez les criminels-nés ; par exemple, la dyschromaptosie plus fréquente, l’intermittence et la contradiction des caractères affectifs, les impulsions irrésistibles, le besoin de faire le mal pour lui-même, et cette gaieté sinistre qui se fait remarquer dans leur argot, et qui, alternant avec une certaine religiosité, se trouve si souvent chez les épileptiques. Ajoutez-y ces phénomènes de méningite, de ramollissement du cerveau, qui n’ont rien à voir certainement avec l’atavisme.

Mais je vous prie de le remarquer : dans la pathologie, rien mieux que l’épilepsie ne peut en même temps réunir les phénomènes morbides et ataviques Les aliénistes, depuis un certain temps déjà, avaient observé que l’épileptique, dans ses convulsions, reproduit souvent des phénomènes spéciaux aux sauvages et aux animaux inférieurs ; qu’il cherche à mordre, à dévorer de la chair humaine, qu’il imite le cri du chien, celui du chat, etc.[1]

Voilà donc un point où l’atavisme n’exclut pas l’anomalie pathologique. It en est ainsi, d’ailleurs, de beaucoup d’autres formes, appelées de nos jours dégénératives, telles que la microcéphalie, le crétinisme, qui sont en même temps des monstruosités, — c’est ainsi que vous qualifiez le criminel, — et produisent un arrêt de développement partiel du cerveau et du corps.

Le rapport avec l’âge infantile, que vous reconnaissez vous-même, tout en admettant l’origine pathologique, ne fait même pas défaut. L’épilepsie a précisément été nommée maladie de l’enfance. Dans le jeune âge, on rencontre, bien des fois cette force impulsive, intermittente et inconsciente, et souvent suivie d’une absence de mémoire, signe caractéristique de l’épilepsie.

En la ramenant au type de l’épilepsie, on a fait disparaître toutes les inexactitudes qui avaient cours sur la folie morale, et qui, très justement faisaient douter de son existence.

Certes, comme vous lé dites, on se laisserait plus volontiers séduire par une théorie qui se bornerait seulement à l’atavisme pour expliquer

  1. Gowers, Epilepsy, 1880, p. 10.