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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Albert Schaeffle. Bau und Leben des socialen Körpers (Organisation et vie du corps social), Erster Band[1], 2e édition, Tubingen, 847 pages grand in-8o.

On connaît le nom de Schaeffle en France. Il ne semble pas pourtant qu’on l’ait beaucoup lu. En tous cas, on en a bien peu parlé. M. Espinas en a fait l’éloge à plusieurs reprises, mais en passant[2]. M. Fouillée nous a dit quelques mots de ce « bon Allemand », perdu dans les infiniment petits de la vie sociale[3]. Et c’est tout. L’exposition que nous allons entreprendre, quoique tardive, n’est donc pas inopportune.

1. Ce livre, le plus important du Bau und Leben des socialen Körpers, est une sorte de statique sociale. Comte n’a consacré à cette partie de la science qu’une leçon de son cours (50e). Spencer s’est surtout occupé de l’évolution des sociétés. Schaeffle s’est proposé de soumettre à l’analyse les nations actuelles, et de les résoudre en leurs principaux éléments.

L’auteur est nettement réaliste. La société n’est pas une simple collection d’individus, c’est un être qui a précédé ceux dont il est aujourd’hui composé et qui leur survivra, qui agit sur eux plus qu’ils n’agissent sur lui, qui a sa vie, sa conscience, ses intérêts et sa destinée. Mais quelle est sa nature ?

Assurément il y a de grandes analogies entre les organismes individuels et les sociétés. À toutes celles qui ont été déjà signalées Schaeffle en ajoute une autre. On avait objecté que les parties d’un animal sont continues, tandis que la société est un être discret. Schaeffle fait remarquer que, dans les corps vivants, les cellules sont séparées les unes des autres par une substance intercellulaire, telle que le sérum du sang et la névroglie. De même les routes, les voies de communication et de transport, en un mot toutes les richesses qui circulent dans la nation, relient entre eux les citoyens. D’ailleurs, il ne faut plus voir dans la

  1. L’ouvrage complet comprend trois volumes. Le second étudie la vie de la société. Les deux derniers sont consacrés à une analyse spéciale de chacun des facteurs sociaux.
  2. V. Espinas, Sociétés animales, 139 ; et Revue philosophique, oct. 1882, p. 351.
  3. Fouillée, Science sociale, 76, et passim.