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notices bibliographiques

rel est leur fonction de protection de l’individu ou de l’espèce ; leurs caractères secondaires ont rapport à la nutrition et à la reproduction. Les autres organes et les autres fonctions présentent de même divers caractères. Les dents, par exemple, ont pour principale fonction de servir à la nutrition ; mais, secondairement, elles s’emploient aussi pour la défense.

La religion joue un rôle particulier dans cette psychologie générale. D’après M. Sergi, elle constitue une sorte de déviation de la fonction psychique, le chapitre où il en est question est intitulé : « Phénomènes pathologiques de la fonction de protection. » Les religions nous prouvent aussi que l’esprit est une fonction de protection, comme les autres phénomènes psychiques, mais elles sont les formes pathologiques de la protection parce qu’elles ne peuvent la produire, quelle que soit l’exagération d’activité qu’elles produisent, exagération d’activité qui prouve une fois de plus que ce phénomène est un état morbide, comme les cas d’inflammation ou de fièvre. »

Le livre de M. Sergi se termine par une apologie de la science, dont on peut tout attendre, mais qui ne portera tous ses fruits que lorsque les croyances religieuses auront été extirpées. De la théorie que nous venons de voir sur la nature de l’esprit, on tire « une conséquence pratique d’une grande et suprême utilité : la protection de l’homme, comme individu et comme espèce, seul ou en société, ne vient que de l’homme, en dehors de lui il n’y a pas d’autre moyen de protection. Guidés par cette conséquence, qui devient un principe d’une valeur extraordinaire, d’autant plus grande qu’il est scientifiquement démontré : les hommes n’ont qu’une seule voie à suivre, la vraie voie, la science. » M. Sergi, évolutionniste consciencieux, espère beaucoup d’ailleurs du développement de l’homme. Sans être optimiste, dit-il, il n’admet le pessimisme de quelques-uns que comme un phénomène pathologique.

M. Sergi, qui se rapproche de l’école de M. Spencer au point de vue de la philosophie naturelle, parait s’en rapprocher aussi par sa métaphysique, autant qu’on peut l’entrevoir. C’est ce qui semble résulter, par exemple du passage suivant : « Comme on admet que la matière organique est une partie différenciée de la matière universelle, on doit admettre aussi que les propriétés générales de celle-là doivent être particulièrement différenciées ; c’est-à-dire que, étant les mêmes en fait et en principe, elles se manifestent d’une manière appropriée dans cette portion de matière organique qui commence à avoir des qualités plus distinctes et plus complexes (p. 95). »

Ce phénomène est intelligible à ceux qui sont déjà arrivés à la connaissance de la façon dont se comporte l’évolution et conséquemment la transformation qui l’accompagne. La transformation implique que la matière, la forme extérieure du phénomène devient différente pour s’adapter aux nouvelles phases de l’évolution, mais substantiellement, elle est la même chose. Un sceptique trouverait que M. Sergi tombe