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ception naturelle, la perception primaire de l’homme n’est donc pas la perception d’une relation entre des objets, mais la perception des objets eux-mêmes. « Quand je vois un corps rond, je le vois comme corps rond, je puis aussi avoir conscience de moi-même, comme le percevant. Ayant ces deux objets, je puis découvrir une relation entre eux et trouver que le corps rond fait une impression sur moi. Mais je connais d’abord le corps rond et le moi, et je les connais comme existant indépendamment l’un de l’autre. Le corps rond peut être vu par d’autres aussi bien que par moi, et le moi peut, le moment d’après, regarder un corps carré. En prenant ces positions, nous sommes délivrés des théories relativistes et phénoménistes de la connaissance du corps et de l’esprit, et nous trouvons que nous possédons des choses réelles entre lesquelles nous pouvons découvrir des relations, réelles aussi. Une relation sans choses m’a toujours paru semblable à un pont sans rien pour le soutenir à chaque bout. » Il faut remarquer que l’objet ainsi compris n’est pas la chose en soi, « ding an sich » de Kant, qui n’offre pas de sens acceptable.

Il convient, d’ailleurs, de distinguer les perceptions naturelles et les perceptions acquises, c’est par les premières que nous connaissons directement les choses. Par nos perceptions naturelles (original), nous connaissons, d’après l’auteur, la matière et ses qualités primaires directement et sans intermédiaire.

Ayant combattu le phénomène et la chose en soi, M. Mc. Cosh combat aussi la théorie d’après laquelle l’esprit impose aux choses des formes particulières. Pour le partisan de l’empirisme, dit l’auteur, l’externe détermine l’interne, l’esprit reflète simplement ce qui passe devant lui. Kant soutient au contraire que l’interne détermine l’externe. Mais sûrement la supposition naturelle et rationnelle est que l’interne perçoit l’externe et ne le crée pas. « J’ai affirmé que l’esprit connaît d’abord les choses réelles, et j’affirme maintenant qu’il connaît des choses concrètes, les substances avec leurs propriétés, les corps ayant à la fois la forme et la couleur… L’unité n’est pas donnée à l’objet par l’esprit, elle est dans l’objet mais elle est perçue d’emblée par les sens.

À propos de l’analytique transcendentale nous trouvons les mêmes idées qui nous ont été présentées à propos de l’esthétique transcendentale. M. Mc. Cosh marque ainsi sa position vis-à-vis de Kant. « Prenons, par exemple, la catégorie de la cause et de l’effet, et montrons la différence entre les vues de Kant et les opinions que je défends. Nous affirmons que la cause de l’incendie d’une meule de foin, c’est une allumette qu’on en a approchée. Qu’avons-nous ici ? D’après Kant, une meule, un phénomène donné a posteriori avec une certaine couleur, a priori avec une certaine forme. Nous avons aussi une allumette avec un double caractère semblable a priori et a posteriori. Nous unissons les deux par le moyen d’une catégorie a priori, celle de cause et d’effet, et nous déclarons que l’allumette est cause de l’incendie. Est-ce là la marche réelle de l’esprit ? Voici, au contraire, ce que je crois être le véritable exposé du fait. Nous avons d’abord une meule réelle et une