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sente comme symptôme intéressant l’aptitude à être suggestionnée ; son état psychique et somatique ressemble d’une manière frappante au sommeil nerveux artificiel. Guidé par ces analogies, l’auteur a plongé la malade dans l’état hypnotique, au moment où l’aura annonçait l’imminence de l’attaque de sommeil ; il a constaté que, dans ces circonstances, l’attaque n’en survient pas moins, mais qu’elle met la malade dans un état d’hypnose plus profond que celui dans lequel elle était placée artificiellement. Ainsi la malade étant placée dans l’état cataleptoïde les yeux fermés, l’attaque la met en léthargie ; la malade étant placée en léthargie, l’attaque amène une léthargie plus profonde, dans laquelle la pression de l’ovaire et des zones hystérogènes ne produit absolument rien. L’auteur a institué toutes les expériences précédentes avec la méthode rigoureuse que l’école de la Salpêtrière a introduite dans l’étude de l’hystérie.

A. Binet.

A. Espinas. — Du sommeil provoqué chez les hystériques ; essai d’explication psychologique de ses causes et de ses effets. Brochure in-8o de 29 pages, Bordeaux, Bellier, 1884.

Ce mémoire contient une hypothèse intéressante, qui peut se résumer en quelques mots. Tandis que chez les individus vigoureux les éléments nerveux renferment une quantité considérable de forces en tension, chez les hystériques cette quantité est faible. De là découle la conséquence suivante : chez les adultes forts et bien nourris, les excitations périphériques, qui tendent à transformer ces forces de tension en forces vives ou de dégagement, rencontrent une résistance plus grande ; les centres supérieurs jouent le rôle de centres modérateurs et d’arrêt. Au contraire, chez les hystériques, les excitations qui dépassent un certain degré d’intensité, ne trouvant pas autant de résistance dans les cellules qu’elles traversent, produiraient dans ces centres un dégagement de force considérable. Telle est l’hypothèse. M. Espinas s’en sert tout d’abord pour expliquer la production du sommeil provoqué. Si la cellule nerveuse de l’hystérique dégage facilement la force qu’elle renferme, il en résulte qu’elle s’épuise vite ; l’auteur essaye d’expliquer par cet épuisement l’action des principaux agents producteurs de l’hypnotisme ; il passe successivement en revue les sensations monotones et prolongées, la fixation du regard, la pression des globes oculaires et des opercules, qui agirait en produisant une sensation volumineuse, la compression des zones hypnogènes, dont l’action serait analogue et enfin la douleur morale.

Cette théorie de l’épuisement n’est pas neuve ; on la trouve déjà indiquée clairement dans Braid (Neurhypnologie, traduction de Jules Simon, p. 48 et p. 9). À notre avis, elle n’éclaire pas beaucoup de phénomènes hypnotiques, et elle ne cadre avec tous qu’à la condition de rester très vague. S’il fallait absolument adopter une théorie physiolo-