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génétique générale, entre les espèces d’aujourd’hui. Il n’y a que celles qui se trouvent à peu près sur le même degré d’organisation qui peuvent être regardées comme rameaux d’un même tronc phylogénétique. Chez les plantes, il n’y a pas de système phylogénétique. S’il y a parenté génétique entre deux espèces, leur degré de parenté se laisse déterminer exactement par le nombre et la grandeur des degrés (Schritte) phylogénétiques qui existent entre elles, ou entre elles et le point de départ commun, selon que les deux organismes appartiennent à la même ligne de descendance ou à des lignes collatérales. Deux organismes appartiennent à la même ligne de descendance quand l’ontogénie du supérieur embrasse celle de l’inférieur, dont elle se manifeste comme la continuation. Vu que, dans le monde des plantes, nous n’avons qu’un nombre relativement petit de formes pour les degrés de développement perdus, nous ne pouvons établir que très peu de lignes de descendance.

Tel est le résumé aussi court que possible de cette partie du travail de M. Naegeli, qui ne comprend pas moins de 523 pages.

B. Les limites de la connaissance des sciences naturelles. — Ce sujet est divisé par M. Naegeli en trois parties portant respectivement sur les trois points suivants : 1o la capacité du moi ; 2o la possibilité de pénétrer la nature ; 3o le degré de pénétration que nous avons en vue.

1o Pour que nous puissions connaître, il faut que nos sens nous renseignent exactement. En théorie pure, l’organisme humain est susceptible de percevoir tous les phénomènes naturels, mais en réalité, il n’en est pas ainsi. D’après Darwin, les organes utiles sont les seuls qui se soient développés ; et l’acuité de chacun de nos organes de sens est en rapport exact avec nos besoins. C’est ainsi que nous sentons le froid et le chaud, mais non l’électricité, qui, sans ses manifestations grandioses dans la nature, ne se révélerait pas à notre sensibilité. Les animaux, quand c’est une condition de leur existence, ont des sens bien plus déliés que l’homme. Bien des phénomènes sans doute nous restent inconnus, car nos sens nous ont été donnés en vue de nos besoins physiques et nullement de la satisfaction de notre esprit.

2o La nature aussi s’oppose à nos recherches. Le temps et l’espace nous présentent de grandes difficultés. Si nous étions assis sur l’étoile la plus éloignée que nous connaissons, nous verrions devant nous un nouveau ciel étoilé aussi grand que celui qui nous est familier. Le temps n’a non plus ni commencement ni fin. Comparons avec cela l’espace et le temps ouverts à nos recherches, et nous arriverons à un fort triste résultat.

3o Nous n’avons qu’une connaissance tout à fait relative des objets, parce que nous ne les connaissons qu’en les comparant entre eux. En outre, les différents domaines naturels différant qualitativement entre eux, sont étudiés par nous séparément, vu que nous manquons de mesure commune pour la comparaison.