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ANALYSES.naegeli. Doctrine de la descendance.

nourriture. Ces modifications peuvent caractériser un individu jusqu’à la fin de sa vie, sans qu’elles se transmettent à ses enfants.

Souvent on ne fait pas de distinction entre les transmissions héréditaires et les changements, parce que celles-ci sont en grande partie inséparables de celles-là. La transmission héréditaire n’est que l’ensemble des phénomènes accompagnant le passage d’un état à un autre, et tout le mouvement phylogénétique et ontogénétique se compose d’une série continuelle de semblables passages.

La chose transmise est différente, suivant les espèces d’organismes. Les organismes se reproduisant par génération bisexuelle, ne transmettent que de l’idioplasme contenant toutes les qualités des parents. Il y a deux sortes de transmission héréditaire : la transmission par idioplasme et la transmission par plasme nutritif et substances non plasmatiques. La première, phylogénétique, convient aux variétés et aux espèces. La seconde, ontogénétique, ne se rencontre que dans les modifications. Le changement ne se trouve pas en opposition avec la transmission héréditaire, mais bien avec la constance. Ce n’est pas l’ensemble des phénomènes qui accompagnent le passage d’un état à un autre, mais le résultat de ce passage, résultat donné par la différence entre les deux états.

VI. Dans ce chapitre, l’auteur fait une comparaison entre sa théorie de la descendance et la théorie de Darwin. Les différences entre l’une et l’autre dépendent de l’idée que l’on se fait de la nature du changement. Darwin croit que celui-ci se produit sans règle et sans but, tandis que M. Naegeli lui donne un caractère déterminé. D’après Darwin, des causes indéterminées (influences extérieures) produisent dans les individus des effets indéterminés (changements individuels) dont le plus utile prendra consistance par la suppression des individus qui se sont appropriés les autres effets. Darwin se base sur l’analogie quand, partant de la formation des races par sélection artificielle, il explique la naissance des variétés par la sélection naturelle. Mais il y a une grande différence entre la race et la variété ; les races sont extrêmement variables dans certaines limites, tandis que les variétés sont très consistantes ; en outre, les races se croisent facilement, ce que ne ont pas les variétés. L’hypothèse de Darwin ne rend pas compte des faits de la nature, et on peut reprocher au novateur de ne pas avoir étudié la nature libre, et surtout le domaine des plantes. Darwin dit que l’effet le plus utile des influences extérieures supplante les effets moins utiles ; mais la sélection n’est amenée par un effet que quand celui-ci s’est assez développé pour se montrer le plus utile. Ici la théorie est en contradiction avec la doctrine de l’idioplasme, et surtout avec la supposition que les qualités naissent d’abord comme germes idioplasmatiques, et qu’ils se développent seulement plus tard. Du reste, l’opinion de Darwin ne se soutient pas, quand nous considérons le développement phylogénétique dans ses changements visibles. Ces changements ne sont arrivés que très lentement. Des milliers de géné-