Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 19.djvu/681

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
677
ANALYSES.naegeli. Doctrine de la descendance.

espèces se développent continuellement dans une voie toute tracée. Dans les idioplasmes, il y a des germes qui naissent pendant que d’autres s’affaiblissent et disparaissent.

La différence entre les influences intérieures et les influences extérieures est grosso modo la suivante : Les premières déterminent l’organisation essentielle de l’organisme, ou le général, tandis que les secondes produisent en quelque sorte les ornements ou le particulier.

Les causes intérieures ont pour suite un perfectionnement continuel de l’idioplasme, qui devient de plus en plus compliqué. Darwin explique la question concernant la manière dont les causes extérieures influencent l’organisme, par la loi de l’accommodation, et, d’après lui, elles se se borneraient à écarter l’inutile. M. Naegeli, au contraire, croit que ces influences agissent activement pour produire les résultats qu’on peut désigner sous le nom d’accommodation. Comment le font-elles, c’est une question qui n’est pas encore résolue. Dans tous les cas, il faut distinguer chez elles les influences immédiates, dont on reconnaît facilement les effets, et les influences médiates ou irritations, qui se transmettent par une série de mouvements invisibles. Quant l’irritation dure pendant plusieurs générations, elle peut produire dans l’idioplasme des modifications assez sensibles.

Disons aussi un mot des causes qui produisent des accommodations visibles dans l’organisme et dans ses fonctions. La fourrure épaisse des animaux du nord leur a été donnée par l’influence du froid sur la peau. Les différentes armes défensives que possèdent les animaux telles que cornes, dents, etc., doivent leur origine et leur développement à l’irritation exercée sur certaines parties du corps, lors d’une attaque ou d’une défense. Le corps excité par une influence extérieure réagit d’une manière précise. La réaction s’accommode à l’organe irrité et produit un effet déterminé.

Certaines particularités des organismes, par exemple, le cou de la girafe, les serres de l’écrevisse, sont dues au concours des causes extérieures et des causes intérieures. Si les premières agissaient seules, les individus d’une même espèce subiraient des modifications suivant l’accommodation, mais resteraient toujours au même degré d’organisation ; un ver ne deviendrait jamais un poisson.

IV. Les marques extérieures d’un organisme doivent avoir atteint, dans l’idioplasme, un certain degré de développement pour qu’elles deviennent visibles à l’extérieur ; c’est qu’elles doivent chasser d’autres marques et en prendre la place. Pour y arriver, elles doivent généralement passer par une série d’états intermédiaires, qui souvent restent latents. Il y a, par exemple, des fleurs à cinq pétales qui arrivent à n’en avoir que quatre, sans que jamais elles en aient quatre et une partie du cinquième. M. Naegeli croit que l’idioplasme se complique de jour en jour davantage, et que jamais il ne peut revenir à l’état plus simple d’un idioplasme antérieur. Mais il se peut que les derniers germes de perfectionnement restent à l’état latent, et l’on pourra avoir dans