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le blanc d’œuf est formé, il s’accroît en volume par l’intercalation de nouvelles micelles entre celles qui existent déjà. Par suite de cette augmentation, la substance finit par se diviser, en d’autres termes, se propager, La première division dépend des influences extérieures ; les plasmes qui en résultent ont une grandeur assez considérable, mais indéterminée. Leurs descendants deviennent de plus en plus petits, en raison du développement de l’organisation intérieure, qui tend à dominer la cohésion. À partir de ce moment, le volume des individus se met de nouveau à augmenter, parce que l’organisation demande, pour se développer, une somme de plus en plus grande de substances. À la fin, ces substances ont dû obéir à des lois et prendre une certaine forme, grâce à la réunion réglée des particules et à leurs actions chimiques.

Il serait très intéressant de comparer les commencements de la matière organisée avec ceux de la matière inorganique. Tous les cristaux, avant leur formation, ont été à l’état liquide ; ils ont commencé par un groupe de quelques molécules, auxquelles d’autres se sont ajoutées suivant leurs relations dynamiques. Les substances organisées se forment facilement dans l’eau, où leurs molécules manifestent une grande attraction les unes pour les autres.

III. Quant aux changements qui surviennent dans tous les organismes, il faut distinguer ceux qui durent aussi longtemps que la cause et ceux qui durent encore après la disparition de celle-ci. Les causes extérieures, telles que le climat et la nourriture, produisent des modifications qui se montrent immédiatement dans toute leur intensité, durent juste autant que la cause et, celle-ci cessant d’agir, finissent par se perdre sans laisser de trace. Cela est vrai alors même que les influences extérieures ont agi dès les temps les plus reculés. Telle plante alpine, transplantée dans la plaine, perd dès la première année tous ses caractères de plante alpine. Les qualités variables nous viennent de nos ancêtres ; elles sont attachées à l’idioplasme.

Les matières solubles ne déterminent pas de qualités, parce que l’idioplasme doit ses propriétés à une organisation de molécules solides, et que les substances solubles qui viennent s’ajouter, se rangent sous l’influence de ces molécules. Il est, par conséquent, absolument indifférent que le blanc d’œuf qui doit nourrir l’enfant, vienne de la mère, d’une nourrice ou d’une vache. — Les causes intérieures existent, car, sans elles, l’œuf ne saurait jamais donner naissance au poulet. Elles consistent dans les forces moléculaires inhérentes à la substance.

Nous avons déjà dit que l’idioplasme se modifie continuellement, parce qu’il y a continuellement des molécules nouvelles qui viennent s’y ajouter. La disposition change par conséquent, et produit un changement des forces moléculaires, qui de leur côté, modifient à leur tour la disposition. Ce jeu continue jusqu’à ce que la substance ait acquis sa forme définitive. Le plasma primordial se transforme donc par sa propre force, et l’idioplasme qui en sort se développe également sans que les forces extérieures y fassent quelque chose. Il s’ensuit que les