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ANALYSES.naegeli. Doctrine de la descendance.

Le développement phylogénétique des cordons de l’idioplasme se fait par l’intercalation de nouvelles lignes de micelles dans le sens transversal. Mais, vu la cohésion de l’idioplasme, cette intercalation n’a lieu que très rarement, et là seulement où les attaches sont les plus faibles. Cette dernière circonstance tient à l’irrégularité de la configuration transversale.

II. On ne peut soutenir que les premiers êtres organisés soient tombés de l’espace sur la terre. Indépendamment de la chaleur développée par cette chute et capable de brûler la matière organisée, celle-ci a dû se dessécher dans l’espace où il n’y a plus d’air. Le fait que, dans les organismes, il y a chaque jour des matières inorganiques qui se changent en matières organisées pour redevenir inorganiques, suffit amplement pour démontrer la production spontanée de la nature organisée.

Ici le raisonnement de M. Naegeli nous paraît reposer sur une fausse déduction.

Si dans les organismes, la matière inorganique se transforme en matière organisée, cela ne prouve nullement que le même phénomène puisse avoir lieu hors des organismes. Dans son travail intitulé La matière brute et la matière vivante, M. Delbœuf dit : « Bien que la science ait aujourd’hui identifié, peut-on dire, la chimie inorganique et la chimie qu’on désignait naguère encore sous le nom d’organique, on aurait tort de croire que la chimie des corps organisés et vivants soit la même que celle de nos laboratoires. Plus loin, l’auteur ajoute : « Je suis loin de soutenir qu’il y a un abîme infranchissable entre les corps organisés et ceux qui ne le sont pas. Mais au lieu d’assurer que la vie n’est qu’une modalité des phénomènes généraux de la nature, qu’elle n’engendre rien et qu’elle emprunte ses forces au monde extérieur, je regarde, au contraire, la chimie inorganique comme un cas particulier de la chimie vivante. Les corps vivants, en empruntant des éléments extérieurs, ne font en cela que reprendre leur bien, leur produit. C’est un simple renversement de termes : la mort n’engendre pas la vie, mais la vie engendre la mort. »

Quoi qu’il en soit, les conditions physiologiques de la génération spontanée sont, d’après M. Naegeli, la faculté de vivre et un mode d’existence assez simple, qui ne fasse pas présupposer l’action préalable d’un autre être. Les monères, toutes simples qu’elles sont, ne le sont pas assez pour que nous puissions attribuer leur origine à une génération primitive. Les premiers êtres ont dû se composer d’un plasma homogène, consistant en des albuminates, de la formation spontanée desquels dépend la génération primitive. Une pareille formation n’est nullement impossible. On objectera qu’on ne l’a pas encore observée, mais il faudrait démontrer qu’elle ne peut pas avoir lieu sans que nous en ayons connaissance. Le blanc d’œuf peut se former ainsi spontanément. Ne le voyons-nous pas se produire dans les plantes par l’alliance de l’azote et du carbone ? Nous ferons toutefois encore remarquer à M. Naegeli qu’ici un organisme intervient comme appareil producteur du carbone. Dès que