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dans la cellule-œuf, les marques extérieures dont nous ignorons la valeur, ne se montrent pas encore ; la cellule-œuf renferme en elle, beaucoup de propriétés à l’état latent, qui n’apparaissent que plus tard avec le développement de l’individu. L’œuf se caractérise donc comme disposition, comme germe.

De la substance plasmatique ou stéréoplasme de l’organisme, une faible partie seulement contient des dispositions naturelles, c’est l’idioplasme ; c’est lui qui contient en germe tous les caractères qui distingueront l’individu. Par l’acte de la procréation, l’organisme transmet l’ensemble de ses qualités comme idioplasme ; l’enfant possède l’ensemble des qualités de ses parents, mais une partie en restera à l’état latent. Elles ne sont pas pour cela perdues ; elles peuvent reparaître plus tard, quelquefois même après plusieurs générations. L’idioplasme est surtout porteur des dispositions héréditaires, car sinon, on ne saurait s’expliquer pourquoi l’enfant ne ressemble pas plus à la mère qu’au père, alors que celui-ci n’a fourni que la centième ou millième partie du protoplasme.

Quand nous considérons le nombre des changements qui surviennent dans les organismes, nous devons conclure que l’idioplasme subit des modifications continuelles ou bien qu’il reste le même, et que les influences extérieures lui donnent tel ou tel développement de préférence. Comme chacune de ces deux causes, prise isolément, ne saurait suffire à expliquer les changements, il faut admettre à cet effet qu’elles se réunissent. Pendant la période de croissance de l’individu, l’idioplasme augmente en volume. Il se peut que pendant ce temps différentes circonstances en développent une partie spéciale. De cette façon, les dispositions qu’elle contient deviennent visibles, tandis que celles d’une autre partie qui ne se développe pas, restent à l’état latent. La configuration de l’idioplasme change d’une manière lente, mais continuelle. D’une génération à l’autre, le progrès est presque nul. En reliant toutes les différences, on obtient l’histoire généalogique d’un organisme depuis le commencement monocellulaire de sa race.

L’idioplasme est disposé en lignes parallèles d’une cohésion puissante, qui croissent par l’intercalation de nouvelles molécules, tout en conservant la même disposition. À proprement parler, il se compose de corps restiformes qui s’allongent continuellement. Comme toutes les dispositions héréditaires sont réglées par les cordons de l’idioplasme, ceux-ci sont étendus en filet sur toutes les parties de l’organisme.

L’idioplasme contenu dans la cellule-œuf se divise avec elle, à mesure que croit l’organisme. L’augmentation ontogénétique de l’idioplasme se fait par la croissance en longueur des faisceaux, et cela de la manière suivante. Des micelles — c’est un terme propre à M. Naegeli, qui désigne des micelles par là des groupes cristalloïdes de molécules d’albumine s’intercalent entre les micelles constituant chaque ligne de faisceau qui par là vont s’allongeant sans que la configuration transversale de l’idioplasme change. Il s’en suit que chaque faisceau idioplasmatique contient tous les germes que l’individu a hérités.