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ANALYSES.naegeli. Doctrine de la descendance.

C. V. Naegeli. MMechanisch-physiologische Theorie der Abstammungslehre (Théorie mécanique-physiologique de la doctrine de la descendance). Munich, R. Oldenbourg, 1884.

Depuis une vingtaine d’années la question la plus difficile de la physiologie, l’origine du monde organisé, est l’objet des recherches les plus assidues et les plus intéressantes. La solution de ce problème entraîne des études multiples, portant sur la relation entre l’organisé et l’inorganique, sur la vie, la procréation, les changements que subissent les organismes à travers une série de générations. Les physiologistes purs, pénétrés de la difficulté de la question’, ont évité de se prononcer. Les non physiologistes qui se sont occupés du problème se sont montrés moins timides et ont énoncé différentes hypothèses. De leur côté, les zoologistes, les anatomistes et les botanistes, qui auraient pu contribuer à le résoudre, au lieu de se borner à le traiter au point de vue exclusif de leur spécialité, ont voulu en donner une solution définitive, et l’ont rendu plus obscur.

Les sciences naturelles ne sont accessibles qu’à peu de personnes. Le public est plutôt attiré vers les idées spéculatives que vers les connaissances purement scientifiques. Aussi quand les théories de Darwin furent publiées, elles donnèrent lieu à une philosophie quelque peu fantastique. La doctrine du plus apte et la sélection naturelle avaient comme jeté des lumières dans une nuit profonde.

La théorie de la descendance fut traitée comme système complet répondant à tout. On se mettait au point de vue de l’histoire naturelle descriptive, qui aime les théories achevées pour pouvoir mettre les parties en rapport. Mais la physiologie suit un autre procédé ; elle étudie les parties indépendamment les unes des autres.

Jusqu’à quel point les principes mécaniques-physiologiques peuvent-ils entrer dans la doctrine de la descendance, tel est l’objet du livre de M. Naegeli. Le nombre des théories nouvelles qu’il renferme dénote le penseur. L’auteur s’éloigne de Darwin ; sa théorie de la descendance repose sur deux principes, celui du perfectionnement et celui de l’accommodation. À la suite de cet exposé viennent deux opuscules : le premier, sur les limites de la connaissance des sciences naturelles ; le second sur les forces et les combinaisons dans le domaine moléculaire.

Nous allons résumer, aussi fidèlement que possible, les idées du savant professeur de Munich.

I. Nous commençons par la théorie de la descendance, en suivant l’ordre des chapitres. La comparaison des organismes s’appuie sur les caractères que nous leur reconnaissons. De nos jours, l’art de l’observation a fait d’immenses progrès, et grâce à elle, nous avons découvert nombre de lois qui président à la structure des organismes. Mais toute comparaison est nécessairement imparfaite. D’un côté les organismes possèdent beaucoup de propriétés que nous ignorons, et d’un autre côté, nous manquons d’une mesure commune pour apprécier la valeur exacte des propriétés connues. Dans l’état embryonnaire de l’organisme,