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ANALYSES.h. beaunis. Recherches expérimentales.

veuse qui détermine l’action d’arrêt agit sur un mouvement produit par un autre nerf ou par une autre région nerveuse. Ce sont surtout les phénomènes inhibitoires de cette seconde catégorie qui ont été étudiés, mais les autres n’en existent pas moins, et l’excitation des nerfs périphériques en fournit un exemple.

De ses expériences et des recherches antérieures de Wundt, M. Beaunis conclut — et ce fait lui paraît fondamental — que dans une région nerveuse excitée il se produit deux actions contraires, une excitation et un arrêt, et que l’effet de l’excitation n’est que la résultante de ces deux actions. Et il se sert d’une ingénieuse comparaison qui éclaire très bien son idée : dans l’ignorance où nous sommes du processus intime des actions nerveuses, nous ne pouvons faire aucune hypothèse plausible sur la coïncidence des actions motrices et des actions d’arrêt ; on peut imaginer également une modification chimique, une variation électrique, une vibration ondulatoire ou tout autre mouvement moléculaire. Supposons donc une substance chimique instable « dont la décomposition donne naissance à deux corps dont l’un puisse agir comme excitant, soit, pour fixer les idées, un acide et une base, l’acide agissant comme excitant. Si l’acide est dégagé en excès, l’excitation a lieu ; si la base est dégagée en quantité suffisante pour neutraliser l’acide, l’excitation ne se fait pas ; si sa quantité ne suffit qu’à neutraliser une portion de l’acide dégagé, l’excitation a encore lieu, mais affaiblie. Quant à la quantité d’acide et de base dégagée, elle peut tenir, soit à la composition même de la substance à un moment donné, soit au degré d’alcalinité du milieu. On pourrait tout aussi bien, dans l’hypothèse mécanique, imaginer un système élastique donnant ainsi naissance à des actions contraires, ou, dans l’hypothèse physique, un système électrique ou magnétique analogue. Il suffit de montrer que la chose en soi n’a rien d’inadmissible. » Assurément, ce n’est là qu’une comparaison ; mais cette comparaison a le grand avantage de nous montrer qu’il est parfaitement possible qu’une même action excitante soit susceptible de dégager deux influences contraires.

Il suit de là un résultat intéressant pour la physiologie cérébrale proprement dite : comme l’effet des excitations est d’autant plus variable que les phénomènes d’arrêt sont plus marqués, et comme, d’autre part, c’est dans la substance grise de l’écorce du cerveau que ces actions inhibitoires sont surtout développées (Setschenow, Brown-Sequard), l’excitabilité des diverses régions du système nerveux central dépend particulièrement des influences d’arrêt.

Quant à la question de savoir si les phénomènes d’arrêt se passent dans des appareils spéciaux, ou bien si les actions d’arrêt et les actions motrices ont pour siège les mêmes éléments, on a pu voir par ce qui précède quelle est l’opinion de M. Beaunis. Il admet que les deux actions se passent dans les mêmes éléments ; c’est d’ailleurs aussi l’opinion de Wundt et de plusieurs autres physiologistes allemands.

Au point de vue psychologique, l’importance est grande de cette