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rendre compte ici même[1] de ce travail, lorsqu’il a paru dans la Revue médicale de l’Est, il y a deux ans. Je ne reviendrai donc pas sur ce sujet, d’autant que la partie la plus importante, au point de vue psychologique, est la reproduction de l’intéressant article que M. Beaunis a publié dans la Revue de juin 1883 : Sur la comparaison du temps de réaction pour les différentes sensations[2].

Le mémoire sur les formes de la contraction musculaire et sur les phénomènes d’arrêt est le plus long et le plus important du volume. Le point fondamental des recherches de M. Beaunis, c’est la différence qu’il trouve entre la contraction musculaire directe (contraction qui suit l’excitation électrique du muscle, du nerf moteur ou de la racine motrice) et la contraction réflexe (contraction consécutive à l’excitation de la racine sensitive, du nerf sensitif ou d’un point de la périphérie sensitive). C’est l’étude minutieuse et approfondie qu’il fait de ces différences — étude d’ailleurs très intéressante et, par certains côtés, très neuve au point de vue physiologique — qui le conduit à la remarquable conception des actions générales d’arrêt où il faut certainement voir l’idée maîtresse de son mémoire.

D’après l’auteur, ces actions d’arrêt sont un phénomène très général ; non seulement dans les centres nerveux, mais aussi dans les nerfs moteurs on constate des influences inhibitoires. Toute excitation détermine, dans la substance nerveuse excitée, une modification positive et une modification négative, sortes de courants contraires, de la composition desquels résulte justement la forme particulière de la réaction fonctionnelle. Et c’est parce que les conditions dans lesquelles se produisent ces phénomènes d’arrêt ne sont pas encore bien connues, malgré les récents travaux de Wundt et de Brown-Séquard il faudra ajouter maintenant ceux de Beaunis — qu’on ne peut expliquer parfaitement les formes variables de diverses réactions nerveuses. Il n’en est pas moins vrai que toute manifestation, quelle qu’elle soit, de l’activité nerveuse, et non seulement la contraction musculaire, peut être soumise à une influence d’arrêt : cela s’observe aussi bien pour les sécrétions que pour les phénomènes de sensibilité (anesthésies et analgésies à la suite d’irritations périphériques), etc. — Quoique l’obscurité qui enveloppe ces faits soit encore grande, M. Beaunis arrive cependant à établir que, dans les divers cas, les actions d’arrêt peuvent se présenter sous deux conditions différentes : tantôt c’est la même excitation nerveuse qui détermine à la fois des actions motrices et des actions d’arrêt, ces dernières pouvant simplement affaiblir ou bien empêcher les premières ; tantôt l’excitation ner-

  1. V. Revue philosophique de mai 1883, p. 566.
  2. Il convient pourtant de signaler une étude sur les sensations du goût comprise dans ce mémoire. Malgré les difficultés d’expérimentation et malgré les nombreuses causes d’erreur, M. Beaunis est en effet arrivé, grâce à d’ingénieux dispositifs, à étudier avec soin les sensations gustatives et à mesurer le retard de la sensation.