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groupe, le philosophe aurait, sans aucun doute, fait le raisonnement inversé et prouvé que l’excrétion noire saline devait être moins abondante chez cet animal par ce fait même que ladite excrétion se reportait d’un autre côté et allait former l’« os ». L’admiration pour le génie ne doit pas nous fermer les yeux au vide irrémédiable d’une philosophie qui croit reconnaître partout les preuves d’une harmonie voulue dans la Nature ou par la Nature. Toutes conceptions de ce genre sont fatalement condamnées à l’avance. Combien en avons-nous vues même à notre époque surgir qui ont fait grand bruit pendant un temps et sont déjà oubliées !

Le tube digestif, à l’exception de l’estomac, paraît assez mal connu d’Aristote. La description qu’il nous donne de l’estomac des ruminants, de celui des oiseaux avec leur gésier, ou des poissons avec leurs appendices pyloriques, est remarquablement exacte. Tout ce qui a trait à l’intestin, au contraire, reste assez confus, surtout pour la dernière portion du tube digestif[1]. Au reste, il n’est pas toujours aussi aisé qu’on pourrait le croire, d’en déterminer le trajet à simple vue et sans dissection attentive. Le développement du cœcum, souvent plein de matières comme un second estomac chez certains animaux, a dû causer beaucoup de confusions[2]. Le philosophe semble admettre une sorte d’antagonisme entre les extrémités de l’intestin, l’une destinée à contenir l’aliment, l’autre l’excrément inutile, toutes deux séparées par le jejunum.

En ce qui touche les quadrupèdes vivipares Aristote constate que tous ceux à dentition complète — et il entend par là ayant des incisives aux deux mâchoires — n’ont qu’un estomac, c’est-à-dire l’estomac simple. L’homme, le chien, le lion sont dans ce cas, avec les animaux à sabot comme le cheval, et même les animaux à pied fourchu pourvu qu’ils aient la dentition complète. Ceci permet de joindre le porc à cette énumération en effet très exacte.

Tous les animaux à dentition incomplète, y compris le chameau bien qu’il n’ait pas de cornes, ont plusieurs estomacs et ruminent. Le défaut de dents (incisives) à la mâchoire supérieure ne permet pas une mastication suffisante de la nourriture et rend la rumination

  1. « Quelques animaux ont l’estomac (?) plus étroit en bas qu’en haut, tel le chien dont la défécation difficile n’aurait pas d’autre origine. »
  2. Dans le manuscrit arabe du xve siècle dont nous parlons plus haut (Voy. p. 541, n. 2), la partie inférieure de l’intestin dessine une boucle fermée entre le jejunum et le rectum. Les noms persans ou arabes donnés aux diverses parties sont des traductions ou de simples transcriptions des noms anciens.