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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

serait curieux de savoir comment le philosophe a été conduit à cette notion assez complexe[1] surtout alors qu’il ne connaissait point l’appareil urinaire de ces animaux, ainsi que cela ressort de divers passages du traité Des parties. « Les quadrupèdes vivipares au contraire ont tous l’urine aqueuse. Ceci est en rapport avec l’abondance de nourriture qu’ils prennent et leur soif fréquente ; en rapport, par suite, avec la présence d’un poumon sanguin. De tous les animaux à plumes et à écailles, le seul qui ait une vessie est la tortue de mer, précisément parce qu’elle a un poumon sanguin et comparable à celui du bœuf (Des parties, III, § 9). En général les animaux qui ont l’urine solide n’ont pas de vessie, et cette double particularité est directement en rapport avec la présence de plumes ou d’écailles (Des parties, III, 7-9, IV), signes d’une nature plus sèche. La seule exception à cette règle est la tortue de mer pour les raisons qui viennent d’être indiquées. De même une autre tortue, l’Emys, dont la peau est molle, a par cela même l’urine liquide (Des parties, III, 9).

« Aucun ovipare n’a de reins », ce qui prouve bien, comme nous l’avons laissé entendre, que pour Aristote ces organes n’ont qu’un rôle accessoire dans la production de l’urine. Le philosophe ne les reconnaît plus chez les oiseaux, les reptiles, et les poissons, où ils sont généralement appliqués contre la colonne vertébrale et ne présentent plus ni la même forme ni les mêmes rapports anatomiques que chez les quadrupèdes vivipares. L’urine, l’excrément liquide est essentiellement la sécrétion soit de la vessie, soit de la dernière portion de l’intestin, comme l’excrément solide.

Les Exsangues (= tous les animaux autres que les vertébrés) n’ont pas de vessie. Mais Aristote, avec la notion qu’il a toujours devant les yeux de l’unité fonctionnelle, cherche à retrouver chez eux la sécrétion urinaire[2] et il en arrive à rapprocher l’encre noire des Céphalopodes du dépôt blanc où il a reconnu l’urine des ovipares. Il voit dans cette encre une excrétion nécessaire des parties terreuses (= salines) et si la Seiche à plus d’encre que les autres Céphalopodes c’est aussi que les parties terreuses y sont plus abondantes (Des parties, IV, 5), comme le prouve « l’os de Seiche ». Supposons pour un instant que ce soit l’inverse et que la « poche au noir » de la Seiche soit moins développée que chez les autres animaux du

  1. Peut-être en voyant chez certains oiseaux les dépôts blancs de l’urine mêlés d’une grande proportion de liquide.
  2. Nous savons aujourd’hui qu’il faut nécessairement qu’elle existe dans tous les animaux sous une forme ou sous une autre, comme conséquence du mouvement nutritif.