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meur excite et soulève la partie de l’âme dépendant du foie, et par son écoulement la dégage et la met en gaîté (Des parties, IV, 2)[1].

Les reins sont en rapport par les uretères avec la vessie et contribuent à la formation de l’excrément liquide (Des parties, II, 7). Il semble en effet qu’Aristote ne localise pas spécialement dans les reins la formation de l’urine qui s’écoulerait par les uretères et dont la vessie serait le réservoir. Il paraît surtout préoccupé de bien établir la distinction des uretères et des veines : Les uretères sont des conduits épais « dans lesquels on ne trouve pas de sang », et le liquide qu’ils contiennent ne se coagule pas. Les vaisseaux qui se rendent de la grande veine au rein ne se continuent pas avec ces conduits et s’arrêtent dans le rein. Les humeurs traversent celui-ci, arrivent en son milieu et se réunissent dans le bassinet d’où la sécrétion passe dans la vessie (Des parties, III, § 9), mais il n’est pas dit clairement que ce soit par les uretères, et d’après un autre passage, il semblerait même que les uretères ne sont que des ligaments reliant la vessie aux reins[2].

Aristote sait que le rein du phoque est multilobé comme celui du bœuf, mais il ajoute (Des parties, III, § 9) que le rein de l’homme semble aussi formé d’un grand nombre de petits reins au lieu d’être uni comme celui du mouton et d’autres quadrupèdes. Ceci est une erreur qui semble avoir été répandue parmi les médecins du temps et qui ne s’explique point, à moins de la faire remonter à l’observation d’embryons humains très jeunes, chez lesquels en effet le rein présente cette structure lobée. Le rein droit est indiqué comme étant plus haut que le gauche : C’est précisément le contraire qui a lieu, mais l’École trouve à cette erreur une raison péremptoire dans la dignité relative du côté droit sur le gauche[3].

Aristote connaît l’urine solide des oiseaux et des reptiles, il distingue le dépôt blanc qu’elle forme, du reste de l’excrément ; il

  1. Ce passage est peut-être une interpolation. On comprend au reste, en se reportant à cette ancienne assimilation entre le foie et la rate, que celle-ci ait pu être regardée comme émettant quelque humeur comparable à la bile, d’où l’épanouissement et la gaîté dès que l’organe est désobstrué ou désopilé. — Le précieux manuscrit arabe dont nous avons parlé plus haut (p. 541, note 2) représente un conduit biliaire reliant la rate à la vésicule du foie.
  2. Nous retrouvons également mentionnés ici (Des parties, III, § 9), à côté des uretères, les deux conduits resserrés et continus (ἰσχυροὶ καὶ συνεχεις) où nous avons déjà cru reconnaître les artères ombilicales. (Voy. ci-des. p. 543, note 1).
  3. « Les reins sont la source de nombreuses maladies. Il en est une en particulier, à peu près spéciale aux moutons, et qui tient à ce que leur graisse se liquéfie. Par suite les vents (πνευματα) n’y restent point enfermés et causent l’angoisse. » La maladie attribuée ici aux reins est probablement le développement de gaz dans la panse, auquel beaucoup de ruminants succombent quand on ne sait pas les soigner.