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LA PHILOSOPHIE DE LA RÉDEMPTION

D’APRÈS UN PESSIMISTE


La philosophie scientifique a écarté les religions du chemin de l’homme moderne. Toutefois le sentiment religieux, cette forme historique de l’esprit humain, continue à se développer, et il se produit de nos jours une sorte d’effervescence pour la libération de l’individu et le salut de l’humanité, qui fait songer aux temps lointains de la prédication de Christ ou de Boudha. Les hommes qui conduisent le mouvement peuvent se répartir en deux groupes assez tranchés, celui des religieux purs et celui des philosophes. Ceux-ci ont l’ambition de rester avec la science dans le domaine actuel, dans l’en-deçà, ou du moins de chercher dans les phénomènes positifs une explication qui permette de dépasser les phénomènes. Ceux-là demeurent dans le domaine surnaturel où les hautes religions se sont depuis longtemps établies, et ils prétendent en rapporter toutes les vérités applicables à la vie. De là une détermination différente, par les uns et par les autres, de l’objet du désir religieux, dont ils poursuivent également la satisfaction. Mais les philosophes ont plus de hardiesse que les théologiens ; ils font alliance avec la métaphysique qui a dissous les anciens dogmes ; leur esprit historique les porte encore à élargir les traditions de notre Occident, et Schopenhauer a remonté vers la religion mystérieuse des Hindous, au delà du moment du christianisme où s’arrêtent les vieux catholiques et les gallicans.

Dans le groupe des philosophes on compte des optimistes et des pessimistes. Ces derniers ont fait le plus de bruit, et l’apparition de toute une école qui proclame le mal de l’existence et la supériorité du non-être à l’être est à coup sûr un phénomène de psychologie historique très intéressant. Les livres et les articles qui en ont traité n’ont pas épuisé la curiosité du public à le mieux connaître. Le pessimisme même n’avait pas fourni toute sa carrière avec Schopenhauer, avec M. Bahnsen, avec M. de Hartmann ; un important