Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 19.djvu/622

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
618
revue philosophique

d’y faire travailler l’hérédité à son service et de s’y consolider en instincts profonds et indestructibles attestés par une refonte du crâne et des traits ; et, par suite, le bien qui s’y opère et qui même s’y développe, est dû à des causes beaucoup plus sociales que vitales, à une action prolongée, paisible, sédimentaire, de l’éducation et de l’exemple, dont, par malheur, le jaillissement brusque des faits politiques ou militaires vient à chaque instant rompre les couches. Qu’on réfléchisse à l’utilité, j’allais dire à la nécessité du mensonge, de la perfidie, de la dureté de cœur pour réussir dans une élection, sur un champ de bataille, dans un congrès de diplomates !

Cela ne veut pas dire que je conteste l’apparition par atavisme, par ricochet héréditaire à grande distance, des caractères ou de quelques caractères propres au délinquant-né ; il faut bien que la vie emprunte quelque part les éléments des monstruosités accidentelles qui lui échappent ; et où les prendrait-elle, si ce n’est dans la mémoire de ses compositions passées, à moins que ce ne soit dans le trésor, rarement ouvert, de son imagination créatrice, ce qu’elle fait quand elle enfante un génie, non quand elle excrète un monstre, un criminel ou un fou ? Mais ce que je conteste, c’est que la délictuosité du délinquant-né se trouve expliquée par là. C’est ainsi que les femmes présentent aussi avec le criminel de naissance des similitudes frappantes, ce qui ne les empêche pas d’être quatre fois moins portées au crime que les hommes, et je pourrais ajouter quatre fois plus portées au bien. « Sur les 60 récompenses décernées en 1880 par la commission du prix Monthyon, 47 ont été méritées par des femmes[1]. » Elles sont plus prognathes que les hommes, néanmoins (Topinard) elles ont le crâne moins volumineux et le cerveau moins lourd, même à taille égale, et leurs formes cérébrales ont quelque chose d’enfantin et d’embryonnaire ; elles sont moins droitières, plus souvent gauchères ou ambidextres ; elles ont, s’il est permis de le leur dire, le pied plus plat et moins cambré ; enfin, elles sont plus faibles des muscles, et aussi complètement imberbes qu’abondamment chevelues. Autant de traits communs avec nos malfaiteurs. Ce n’est pas tout. Même imprévoyance en elles, même vanité, deux caractères que Ferri signale avec raison comme dominants chez le criminel ; en outre, même stérilité d’invention, même penchant à imiter, même mobilité d’esprit qui simule à tort l’imagination, même ténacité souple du vouloir étroit… Mais la femme, en revanche, est éminemment bonne et dévouée, et cette seule différence suffirait

  1. Delaunay, Revue Scientifique. 1881.