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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

tous les animaux, de même que l’homme, ont la voix plus haute étant jeunes, mais que le Veau fait exception ; chez toutes les espèces également, la femelle a la voix plus haute que le mâle, et encore ici le contraire a lieu pour la Vache ; elle a la voix plus basse que le Taureau[1].

Enfin la puissance de la voix chez ce dernier animal et ses qualités chez l’eunuque prêtent à des remarques qu’il est bon de signaler, mais qui semblent se rattacher à une théorie de la voix un peu différente. Le cœur y reparaît comme premier organe moteur, sans qu’on voie bien si son action est directe ou ne s’exerce que par l’intermédiaire du poumon. Chez tous les animaux, ainsi qu’on l’a déjà dit, la force réside essentiellement dans les nerfs (νευροι), c’est-à-dire les tendons. Or les taureaux sont tout nerfs, leur cœur spécialement en est plein. Il s’agit ici des cordes tendineuses des ventricules « qui bandent l’organe comme des cordes à boyau et dont le rôle moteur est encore attesté par l’existence d’un os, puisque c’est toujours à des os que s’attachent les nerfs (= tendons)[2]. De là l’extraordinaire puissance avec laquelle le cœur met l’air en mouvement chez cet animal et l’origine de ses mugissements.

Quant aux eunuques, c’est la force de leurs nerfs affaiblie dans son centre, c’est-à-dire dans le cœur, qui leur donne une voix de femme. Cet affaiblissement est comparable à ce qui se passe quand on relâche une corde qui aurait été tendue en y suspendant un poids, comme font les tisserands, avec la pierre λαῖαὶ, qu’ils attachent à la chaîne, Les testicules sont suspendus de même aux conduits séminaux (voy. ci-dessous), et ceux-ci reliés aux veines, qui prennent leur origine du cœur, organe moteur de la voix. À l’époque de la

    d’autres basse, cela provient de l’état de chaleur du lieu (ἡ θερμότης τοῦ τόπου καὶ ἡ ψυχρότης). L’air chaud, à cause de son épaisseur (παχύτητα), fait la voix basse, l’air froid à cause de sa légèreté (διὰ λεπτότητα) la voix haute. »

  1. Pour expliquer cette contradiction, d’ailleurs contraire aux faits, l’auteur commence par déclarer que l’explication des sons hauts et bas par le volume de l’air en mouvement ne suffit pas à rendre compte de toutes les variétés de la voix chez l’homme et chez les animaux suivant les sexes et les âges. Si on considère la quantité d’air en mouvement, elle est moindre chez le Veau que chez le Taureau, le Veau devrait donc avoir la voix plus haute. Or c’est le contraire qui arrive : une autre cause intervient donc. Cette cause est la puissance qui agit sur la quantité d’air en mouvement. Celle-ci restant égale, si la colonne d’air est mue avec peu de force le son sera bas, il sera haut dans le cas contraire. Le Veau et la Vache, en raison de l’âge et du sexe, ont un organe faible avec un grand volume d’air : leur voix est basse, parce que cet air est mû lentement. Chez le Taureau la quantité d’air est tout aussi grande, mais cet air est mis en mouvement par une force considérable : animé d’un mouvement rapide il produit un son plus haut.
  2. Comparez, Genèse, IV, 114.