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médium, selon les espèces (Gen., V, 78), elle est forte ou faible, elle est rude ou douce ou bien encore elle est souple ; et ces divers caractères sont expliqués.

La voix basse est en rapport avec la lenteur, la voix haute avec la rapidité. Mais l’auteur se demande qui est rapide ? l’air chassé ou le mouvement qui le chasse ? Beaucoup d’air peut être poussé par un mouvement lent et peu d’air par un mouvement rapide : dans quels cas le son sera-t-il haut ou bas ? Les opinions étaient, paraît-il, très partagées sur ce point. Depuis deux siècles environ Pythagore ou ses disciples avaient formulé la loi qui régit la hauteur du son des cordes, mais elle n’avait pas été étendue aux instruments à vent où elle est beaucoup plus délicate à vérifier et encore moins à la voix humaine. L’auteur aristotélique paraît disposé à admettre que la voix profonde est en rapport avec l’émission d’une grande masse d’air et par suite avec un plus grand volume du conduit aérien. Il invoque cette preuve, qu’il est toujours difficile d’émettre des sons bas qui soient en même temps faibles, puisqu’ils exigent toujours une grande quantité d’air en mouvement ; et par la raison contraire des sons hauts qui soient en même temps forts.

Une voix basse est le signe d’une nature plus noble (γενναῖος). Dans les mélodies, la basse ne domine-t-elle pas les autres voix ? elle est donc d’essence supérieure. Ceci est également en relation avec le changement que l’âge apporte dans la voix de l’homme : elle est plus basse chez l’adulte que chez l’enfant.

La voix rauque ou douce est produite par un organe uni ou rugueux, comme on le voit par les malades qui ont la trachée pleine de rugosités, dès qu’une affection en a rendu la surface rude, la voix perd sa douceur (Gen., V, 92). Ces arguments où l’auteur cherche à éclairer la physiologie par la pathologie, sont rares dans la collection aristotélique. Celui-ci a d’ailleurs une certaine valeur ; on sait en effet les changements que font subir à la voix les ulcérations du larynx. De même, pour l’auteur aristotélique la souplesse de la voix dépend de l’état de mollesse ou de rigidité de l’organe. S’il est mou (μαλακός) en raison de l’humidité abondante qu’il contient, il pourra s’élargir et se rétrécir avec facilité et par conséquent rendre-des sons forts ou faibles, hauts ou bas (Gen., V, § 93) selon la quantité d’air émise.

Toute cette théorie de la voix est du reste assez bien coordonnée. Mais comme il arrive souvent dans la collection, on trouve presqu’aussitôt des développements nouveaux beaucoup moins satisfaisants, sans parler de contradictions formelles[1]. Nous y voyons que

  1. Celle-ci entre autres : « Que certains animaux aient la voix haute et