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I

Examinons donc séparément les caractères anatomiques, physiologiques, pathologiques, psychologiques, sociologiques enfin, qui se produisent avec une fréquence remarquable parmi les malfaiteurs habituels et semblent signaler parmi eux les malfaiteurs héréditaires. Nous nous occuperons des adultes seulement, et principalement des hommes.

I. Anatomiquement, le criminel est en général grand et lourd[1]. Je ne dis pas fort, car il est faible de muscles, au contraire. Par sa taille et son poids moyens, il l’emporte sur la moyenne des gens honnêtes ; et cette supériorité est plus marquée chez l’assassin que chez le voleur. Je dois dire pourtant que les mesures de Lombroso à cet égard, prises en Italie, sont en contradiction avec les mesures prises en Angleterre par Thompson et Wilson, et ne s’accordent même pas toujours avec celles de son compatriote Virgilio (voy. p. 217 et 219). J’ajoute que, d’après Lombroso lui-même, les femmes criminelles sont inférieures aux femmes normales comme poids. Ce qui paraît hors de doute, c’est la grande longueur des bras qui rapprocherait le criminel des quadrumanes. Une autre singularité non moins bien établie, et que je crois à propos de noter dès à présent, quoiqu’elle soit physiologique plutôt qu’anatomique, c’est la proportion extraordinaire des ambidextres. Ils sont trois fois plus nombreux chez les criminels, et quatre fois chez les criminelles, que chez les honnêtes gens.

Quant aux crânes, quant aux cerveaux, ils ont donné ici bien du mal aux anthropologistes, et Lombroso est obligé de confesser que leur peine a été souvent assez mal récompensée. D’abord, la capacité crânienne des malfaiteurs est-elle inférieure à la nôtre ? Cela semble probable. Lombroso et Ferri disent oui, ainsi qu’Amadei, Benedict et autres ; Bordier et Heger disent non[2]. D’après ce dernier, les criminels l’emporteraient en nombre, précisément dans les capacités supérieures, celles de 1500 à 1700 cent. cubes. En tout cas, il est certain que, dans les capacités intermédiaires et vraiment normales,

  1. Observons que, d’après Spencer, l’homme primitif, le sauvage, est petit.
  2. Autres désaccords avec Weisbach et avec Ranke. D’après celui-ci qui a comparé cent crânes honnêtes à cent crânes criminels (les comparaisons de Lombroso ne portent pas sur des chiffres bien plus forts) la capacité moyenne des criminels est à peu près égale à celle des non-criminels, mais les criminels sont plus nombreux dans les capacités extrêmes, les plus hautes comme les plus basses.