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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

Les Insectes ont la vie plus longue, il y a en effet des abeilles qui vivent jusqu’à sept ans (Animaux, II, xx, § 2) ; et comme ils ont besoin de plus de chaleur, ils ont aussi besoin par cela même de plus de refroidissement. Et Aristote cite à l’appui les Cigales. Chez celles qui chantent, le mouvement d’’élévation et d’abaissement du petit tympan qui constitue leur appareil de chant[1], ressemble à des sortes de mouvements respiratoires[2]. Il n’y a pas toutefois introduction d’air dans le corps de l’animal, l’air inclus derrière les membranes vibrantes suffit au refroidissement nécessaire, pourvu qu’il soit agité. D’ailleurs les Insectes, pas plus queles Poissons ne respirent, puisque respirer c’est faire entrer et sortir de l’air dans des voies spéciales.

La trachée-artère, qui sert à la respiration est aussi le canal de la voix. On a vu comment celle-ci n’était qu’une sorte de répercussion des sons articulés ayant pénétré dans le conduit auditif. La voix n’est donc possible que chez les animaux qui respirent. Les poissons qui font entendre des sons, les produisent soit avec leurs ouïes, soit avec tel autre organe (Âme, II, vii, § 9 ; Animaux, IV, ix). Cependant Aristote ignore l’usage du larynx, qu’il désigne simplement comme l’entrée de la trachée-artère : c’est dans celle-ci que la voix prend naissance par le mouvement de l’air contre ses parois. La preuve est qu’on ne peut émettre de voix, si au lieu d’inspirer et d’expirer, on retient l’air. La toux n’est pas une voix mais un son produit par la langue. Ces indications sont principalement tirées du IIe livre du traité De l’Âme. Mais la question de la voix est longuement reprise au Ve livre du traité De la Genèse, d’une authenticité moins certaine. D’abord sont examinées les variétés que présente la voix des animaux : elle est basse où haute ou se tient dans le

  1. Le chant de la cigale est produit en effet par une membrane plissée connue sous le nom de tympan, qui s’élève et s’abaisse sous l’influence de forces musculaires et qui est bien la source du bruit que font entendre ces insectes. Mais ce tympan est profondément caché et d’une étude délicate, et il est peu probable que les anciens l’aient connu. Un autre passage de la collection aristotélique dit « qu’on observe des mouvements d’expansion et de retrait, semblables à une respiration intérieure, sur la Cigale ; que les autres insectes à vie longue les présentent également et qu’ils sont l’origine de leur bourdonnement. » L’auteur ajoute que « les membranes de la Cigale résonnent contre l’air qu’elles frappent, comme la pelure d’oignon des mirlitons avec lesquels s’amusent les enfants (Resp., IX, § 4). » Cette comparaison très catégorique ne permet guère de douter qu’il ne s’agit pas ici du véritable tympan, mais seulement du miroir, qui n’est qu’un organe passif, mais mince en effet comme une pelure d’oignon.
  2. Voyez encore sur ces mouvements d’expansion et de retrait du corps des insectes comparables à ceux de la poitrine et qui semblent se faire sous l’influence du souffle intérieur : Sommeil, I, 11.