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ANALYSES.f. masci. Pessimismo.

Le xviiie siècle, sous l’influence d’une philosophie qui n’était plus celle de Leibnitz, qui n’était rien moins que spiritualiste (l’auteur l’a-t-il remarqué ?), ce grand siècle niveleur « fut l’âge d’or de l’optimisme ». En Angleterre, les penseurs de toute école et de toute église lui sont acquis ; Shaftesbury et Bolingbroke s’accordent par lui avec Hartley, avec Smith, avec Tucker. Il trouve un poète dans Pope ; les dénégations de Hume n’empêchent pas Gottsched, Haller et Uz de le chanter. En France, ni les sarcasmes de Voltaire, ni les paradoxes de Diderot, quoi qu’en dise l’auteur, ne s adressent à lui. Les idées de progrès, de lumière, d’égalité, de liberté, de rénovation, sont partout.

Mais en face de cette idée du progrès, « forme vitale de l’optimisme dans notre siècle », a surgi de nouveau, systématisée par Schopenhauer et Hartmann, la doctrine qui « non seulement nie le bonheur dans le passé et dans le présent, mais la possibilité de l’attendre dans l’avenir ». M. Masci, qui n’en indique pas assez nettement les causes complexes, attribue le succès de cette philosophie à des circonstances plutôt littéraires que sociales : c’est « la formule scientifique du pessimisme littéraire », auquel « les conditions intellectuelles et morales ont donné le coup d’éperon ». Il fait, d’ailleurs, une critique assez ferme des systèmes de Schopenhauer et de Hartmann. Il y a là des pages à lire. Cette discussion compétente conclut ainsi : « dans ces deux philosophies les conséquences jurent avec les prémisses ; en effet, des présuppositions de l’hédonisme, elles aboutissent à une morale qui condamne le plaisir, et prescrit l’abnégation et le sacrifice. »

M. Masci a bien jugé la marche et les contradictions du pessimisme en Allemagne. Il en signale aussi en France quelques symptômes, qu’il déclare transitoires, mais qu’il exagère. Il fait allusion, par exemple, au pessimisme de l’auteur des Dialogues philosophiques. L’ironie de M. Renan n’est pas toujours, il est vrai, sans quelque nuance d’amertume. Mais le tempérament national a bien vite fait de reprendre le dessus chez cet aimable et ondoyant penseur. Les Souvenirs d’enfance et de jeunesse nous montrent à chaque page l’homme heureux de vivre. Et qu’y a-t-il de commun entre Schopenhauer et Hartmann et celui qui, en toute occasion, fait entendre de telles paroles : « J’ai toujours eu le goût de la vie ; j’en verrai la fin sans tristesse, car je l’ai pleinement goûtée. Et je mourrai en félicitant les jeunes, car la vie est devant eux, et la vie est une chose excellente ! »

Bernard Perez.

Rudolf Hochegger (Dr. phil.). — Die geschichtliche Entwickelung des Farbensinnes. Eine psychologische Studie zur Entwickelungs geschichte des menschen. (Le développement historique du sens des couleurs.) Innsbruck, Wagner, 1884, X, 134 p. in-8o.

L’auteur débute par un historique, précis et complet, de la question. Il s’occupe ensuite de définir le problème, au point où l’ont mis les tra-