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ANALYSES.f. masci. Coscienza, etc.

dent de la cénesthésie et de la mémoire. » Il insiste sur l’exemple du soldat d’Austerlitz, qui se croit mort, parle de lui-même à la troisième personne, et dit cela au lieu de moi. Ce fait lui semble aller précisément contre la théorie qu’on en veut tirer. « En effet, dit-il, si la conscience dépend du sentiment de l’organisme, il faut en admettre le changement et la duplication avec le changement et la duplication de l’organisme. Si le sentiment de l’organisme n’est pas le même, il faut expliquer comment, avec deux sentiments de l’organisme, la conscience peut rester une. Alors l’identité du type corporel ne suffit pas pour maintenir la conscience de l’unité personnelle. » Il y a d’abord ceci à répondre : la perversion de la conscience personnelle, comme celle de la conscience cénesthésique, n’est jamais totale ; la lésion qui pourrait l’amener entraînerait la conscience vitale, organique, et la vie elle-même. Et puis, si les psychologues susnommés considèrent la conscience cérébrale ou psychique comme une dépendance de la conscience totale ou organique, ils ne la confondent pas précisément avec la notion réfléchie de la personnalité. M. Ribot, notamment, s’est plus d’une fois expliqué sur ce point : avec la plupart des psycho-physiologistes, il n’a jamais parlé de la conscience psychique, que comme d’un phénomène surajouté, corrélatif au plus ou moins d’intensité du travail cérébral.

L’auteur, de son côté, rattache trop aisément à sa définition de la conscience l’explication des faits pathologiques, dont les théories physiologiques ne donnent pas, selon lui, l’explication. Tous ces faits peuvent être rapportés aux perturbations de la cénesthésie, au désordre de l’activité représentative et aux amnésies comme à leurs causes. Mais la nature de la conscience peut seule nous les faire comprendre. Simple unité numérique, dans sa forme élémentaire, et tout à fait vide, elle peut prendre la forme d’un contenu quelconque. Le cadre est vide, c’est aux représentations de tout ordre à remplir et à colorer le tableau. L’œil reste identique, mais ne voit pas toujours la même chose. Ainsi deviennent intelligibles les perturbations successives ou périodiques, et les antagonismes de la conscience et de la personnalité. Voilà donc un fait psychique, celui de la conscience, qui est doué du privilège d’invariabilité et d’incorruptibilité, au milieu de la perversion possible et de l’altération plus ou moins complète de tous les autres, qui tous dépendent, sauf lui, de l’état sain ou morbide de l’organisme ! C’est encore là, si je ne m’abuse, l’attribut d’une pure entité.

II. Volonté. — La conscience met le sujet en présence de lui-même et à part du monde extérieur. Elle l’avertit de son existence distincte. Elle est la condition fondamentale, mais non suffisante, pour constituer le sujet moral. Celui-ci est non seulement savoir, mais pouvoir. La mémoire et les facultés pratiques complètent l’idée de la personnalité. Dans un chapitre de pure description, mais dont les données sont physiologiquement correctes, l’auteur étudie la nature des tendances, des appétitions, des volitions. Ici encore nous trouvons quelque intérêt à le suivre dans la discussion des théories expérimentales, et particulière-