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F. Masci : Conscienza. Volontà. Libertà : studi di psicologia morale, 370 p. in-8, Lanciano, 1884.

Conscience, volonté, liberté : voilà de bien grands mots, qui épuisent toutes les discussions, quand on veut aller au fond du problème. J’ai espoir que l’analyse objective le résoudra un jour, mais qu’attendre encore de l’analyse subjective, si ce n’est des descriptions plus ou moins délicates et profondes, ou des affirmations et des subtilités étrangères à tout esprit scientifique ? On peut au moins, faute de mieux, donner le change sur le vide des théories réelles par une discussion suggestive des hypothèses proposées. Alors, si l’examen porte sur des systèmes récents, et surtout sur des investigations expérimentales, on peut faire une œuvre d’un certain intérêt, quoique dépourvue d’originalité. Mon observation s’applique au livre de M. Masci. L’auteur s’est proposé « une double recherche, doctrinale et critique, sur les conditions psychologiques les plus simples dont dépend l’existence du sujet moral ». La partie critique seule offre des analyses bien venues ; on y peut faire son choix. Mais cette partie même a des lacunes sérieuses. Ainsi, parmi les auteurs dont les théories sur la conscience sont passées en revue, à côté des noms de Maine de Biran, de L. Ferri, de Kant, de Fichte, d Herbart, de Renouvier, de Hartmann, de Bain, de Taine, de Ribot, de Richet et de Wundt, on peut s’étonner de ne pas voir citer M. Bouillier et G. Sergi. Quand on traite certaines questions, il y a des noms qui s’imposent. Les omettre de parti pris, c’est se faire tort auprès des lecteurs bien renseignés.

I. Conscience. — L’auteur nous avertit qu’il tient pour métaphysiques et mettra de côté certaines hypothèses adoptées sur la nature du principe psychique : le dualisme, le monisme spiritualiste, le monisme matérialiste et le monisme neutre. Sa définition de la conscience est pourtant bel et bien métaphysique, et, par surcroît, peu claire et contradictoire. Il entend par conscience la distinction du moi d’avec le non-moi, et le rapport de celui-ci à celui-là. Par non-moi il entend non seulement les objets extérieurs, mais notre corps et nos représentations, nos états psychiques de toute sorte. M. Masci ne veut voir dans la conscience, ni un fait de sensibilité, ni un fait de connaissance, mais simplement la présence du sujet devant lui-même, avec la projection objective du non-moi. Est-ce là un acte simple, primitif, toujours identique à lui-même, comme il le prétend ? Une simplicité compliquée d’une distinction et d’un rapport n’est, à coup sûr, que l’attribut d’une entité imaginaire. Et, de plus, avec l’identité absolue qu’on lui prête, et qui n’exclut pas la multiplication numérique, comment expliquer les degrés, la perte ou les affaiblissements de la conscience ? Cette théorie n’est donc pas destinée à faire fortune : c’est un rejeton mort-né de la vieille métaphysique.

Essayons de nous rattraper sur la critique. M. Masci expose avec assez d’exactitude et discute avec soin, mais non sans quelque subtilité, des faits cités par Richet, Ribot pour prouver, dit-il, « que la conscience et la personnalité, qu’ils identifient l’une à l’autre, dépen-