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l’École attribue à la respiration, comme refroidissant tout à la fois le sang et entretenant la chaleur vitale[1].

La respiration ayant ainsi pour but essentiel d’introduire une certaine quantité d’air au voisinage du cœur afin de le refroidir, il est clair que les poissons, au sens propre du mot, ne respirent pas. Ils n’ont pas de trachée-artère, on ne les voit jamais sous l’eau dégager aucune bulle d’air, comme font les tortues ou les grenouilles qu’on y plonge. Leurs ouïes remuent, il est vrai, mais les poissons ne font aucun mouvement de leur corps comparable à ceux de la poitrine, Aristote ajoute : Si les poissons respiraient l’air comme le veulent Anaxagore et Diogène ils ne devraient pas mourir quand on les tire de l’eau, et il plaisante l’explication parfaitement juste cependant de Diogène disant que « dans l’air, les poissons prennent trop d’air tandis « qu’ils n’en ont dans l’eau que ce qu’il leur en faut » (Tr, B.-S. H. Respiration, III, § 5). Mais si les poissons ne respirent pas, le refroidissement de leur sang n’en est pas moins une nécessité, Seulement ici l’agent de cette refrigération est l’eau (Sommeil, II, 10) ; le mécanisme s’accomplit au moyen des ouïes ; l’eau qui les traverse va rafraîchir le cœur (Resp., XXI, § 4)[2].

Les Mollusques (= Céphalopodes) et les Crustacés sont aussi refroidis par l’eau et la nature a veillé à ce qu’ils ne puissent pas absorber l’eau en même temps que leur nourriture[3]. Les Crabes la rejettent par des orifices placés près des parties velues (= branchies ?), les Céphalopodes par l’infundibulum (Resp., XII, § 4, 5), Les animaux très petits et qui n’ont pas de sang sont suffisamment refroidis par le milieu ambiant, eau ou air, pour que leur chaleur naturelle soit préservée, mais la plupart de ces animaux vivent fort peu.

  1. « La vie disparaît quand la chaleur vitale n’est pas suffisamment refroidie : c’est ce qui arrive quand le poumon ou les ouïes des poissons se durcissent, se dessèchent et deviennent terreux. » Et ailleurs : « Toutes les maladies qui durcissent le poumon, soit par des tubercules, soit par des secrétions, soit par un excès de chaleur maladif comme celui qui donne la fièvre (= pneumonie ? ), rendent la respiration plus fréquente parce que le poumon ne peut point assez complètement se dilater en s’élevant ni se contracter ; et enfin quand les animaux ne peuvent plus du tout faire de mouvement (respiratoire), ils meurent en rendant des soupirs (= avec dyspnée). »
  2. « Les ouïes se soulèvent et laissent pénétrer l’eau, une fois que l’eau est descendue au cœur et l’a refroidi, l’animal contracte ses ouïes et rejette le liquide (Resp., XXI, § 6). » M. B.-Saint Hilaire regarde ce passage comme apocryphe. Il est au moins singulier que l’auteur semble ignorer que l’eau rejetée par les ouïes est entrée par la bouche des poissons, fait qu’Anaxagore et Diogène paraissent avoir connu plus d’un siècle avant Aristote.
  3. Aristote entend-il mettre ces animaux en opposition avec les poissons qui introduisent l’eau par la bouche ? Voy. note précédente, Le passage est en tous cas peu clair et probablement altéré.