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chance de pouvoir étudier directement la circulation du sang dans le cerveau chez trois sujets dont le crâne avait été partiellement détruit par des accidents divers. Il a constaté que le seul fait de regarder un de ses malades avec attention, que l’entrée d’un étranger ou tout autre événement de peu d’importance élève immédiatement le pouls cérébral. Chez l’un d’eux (une femme) la hauteur des pulsations augmente brusquement, sans cause apparente ; on l’interroge et elle répond qu’elle vient d’apercevoir dans la chambre une tête de mort qui lui a fait un peu peur. Même phénomène chez un autre qui entend sonner midi : c’est qu’il ne se sent pas à l’aise pour dire son Angelus. — À ces observations relatées dans son premier mémoire, l’auteur en a ajouté d’autres. Il a fait construire une caisse en bois, disposée comme une balance et reposant sur un couteau d’acier. Un homme est couché de son long dans la caisse. Des dispositions spéciales permettent d’obtenir le tracé du pouls pour les pieds et les mains, ainsi que les modifications subies par le volume de ces organes[1]. Lorsque la balance est en équilibre et le sujet bien tranquille, si on lui adresse la parole, aussitôt la balance oscille et s’incline vers la tête ; il se produit une forte contraction des vaisseaux du pied et de la main : en un mot les extrémités inférieures deviennent plus légères et la tête plus pesante. Ce phénomène se produit même quand le sujet prend toutes ses précautions pour ne pas remuer, ne pas modifier sa respiration, ne pas parler et pour éviter toute occasion d’augmenter l’afflux du sang au cerveau. Si l’impression est un peu forte, l’inclinaison de la balance du côté de la tête peut durer de cinq à dix minutes. M. Mosso raconte incidemment qu’un littérateur de ses amis étant venu pour voir cette expérience, devint lui-même le sujet d’une autre analogue. Il lui fit d’abord lire un livre italien, puis traduire à l’improviste un passage d’Homère ; aussitôt la forme du pouls se modifia profondément. L’activité croissante des processus vitaux suppose une accélération de la circulation sanguine, qui suppose elle-même une contraction des vaisseaux. Dans la peur, cette contraction se produit automatiquement ; elle active le mouvement du sang dans les centres nerveux, et, les vaisseaux de la superficie du corps étant contractés, nous devenons pâles. Un accès de peur fait qu’une bague qu’on ne pourrait tirer du doigt qu’avec un grand effort, glisse d’elle-même ; l’afflux du sang au cerveau a fait diminuer le volume du doigt (p. 124).

L’auteur étudie ensuite les palpitations du cœur et la respiration dans ses rapports avec la tristesse. Il a fait à ce sujet des recherches expérimentales, surtout sur les chiens (ch.  vi.) « Les palpitations cardiaques dans la peur, sont l’exagération d’un fait qui se produit toutes les fois que l’organisme doit requérir son maximum d’énergie et ren-

  1. L’exposition complète de ces expériences (avec figures) se trouve dans les Archives italiennes de biologie, tome V, fasc.  I (Application de la balance à l’étude de la circulation du sang chez l’homme).