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ANALYSES.mosso. La Paura.

babilisme qui se substitue au dogme de la certitude sans degrés et sans réserve. Nous sommes fort loin de nous en plaindre : nous espérons seulement que M. Rabier s’en souviendra quand il traitera de la certitude nous l’attendons à la Logique. À vrai dire, nous ne pouvons nous défendre de quelque inquiétude quand nous l’entendons dire dès à présent, à propos de ces mêmes principes rationnels : « Ces principes sont comme les sentinelles avancées de la pensée, les protecteurs attitrés de la raison, les gardiens intraitables et incorruptibles de la créance ; toute pensée qui les rencontre sur son chemin disparaît aussitôt de la scène, vaincue d’avance par ces principes premiers de l’esprit, qui semblent participer de la puissance inéluctable des forces de la nature (p. 274) ».

En résumé, M. Rabier a voulu concilier l’empirisme et l’intellectualisme : nous ne croyons pas qu’il y ait réussi. L’embarras où il s’est trouvé, et le défaut de la doctrine apparaissent dans le nom par lequel il la désigne, celui d’empirisme intelligent. Cette appellation n’est pas aimable pour les autres empirismes ; si elle désigne la théorie propre de M. Rabier et si elle désigne le modus operandi de l’intelligence de quel nom appeler la théorie de M. Rabier ? Il faudra la nommer un empirisme intellectualiste ; mais qui ne voit l’inexactitude d’une telle expression ? Ce n’est pas en juxtaposant deux contraires qu’on les concilie. Si vraiment M. Rabier veut sortir à la fois de l’empirisme et de l’ancienne théorie des idées innées, il faudra trouver un point de vue vraiment supérieur, et à une doctrine nouvelle, il faudra un nom nouveau, qui ne rappelle ni l’un ni l’autre des deux contraires qu’on veut exclure. Nous lui proposons celui de criticisme.

Victor Brochard.

A. Mosso. La Paura (La Peur), in-12, 309 pp. Milano. Treves.

Ce livre est à la fois une monographie de la peur et une contribution intéressante à l’étude de l’expression des sentiments. Dans un important mémoire, Sulla circolazione del sangue nel cervello dell’uomo (1880) l’auteur avait déjà eu l’occasion de montrer que les émotions les plus fugitives sont capables de modifier le rythme de la respiration, d’augmenter la fréquence des battements du cœur, la pression et l’afflux du sang au cerveau. C’est en s’appuyant sur ces expériences et d’autres nouvelles que le physiologiste italien a étudié en grand détail le phénomène de la peur.

Son livre, d’une forme très littéraire et adapté au grand public, débute par trois chapitres d’exposition auxquels il n’y a pas lieu de nous arrêter (la moelle, le cerveau, leurs fonctions, leur travail). L’auteur entre dans son sujet en résumant les principales observations contenues dans le mémoire précité. Rappelons-les brièvement[1]. M. Mosso a eu la

  1. Pour le compte rendu détaillé, voir le numéro de février 1882 de la Revue, p. 195-200.