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ANALYSES.rabier. Leçons de philosophie.

la même rigueur d’un esprit qui veut voir les choses et les doctrines telles qu’elles sont et ne pas se payer de mots, la même dialectique, un peu subtile parfois, mais toujours vigoureuse. C’est un effort pour coordonner à un point de vue particulier, toutes les données de la philosophie contemporaine, pour faire la synthèse de cette philosophie. À ce titre, le livre de M. Rabier, autant par la richesse de ses informations que par ses mérites propres, est un des ouvrages considérables de ce temps-ci.

Le point de vue auquel se place M. Rabier, et qui fait l’unité de son livre, est celui du spiritualisme. À vrai dire, nous ne sommes pas bien sûr que tous les spiritualistes donneraient leur assentiment à toutes les propositions que l’auteur soutient : il fait bien des concessions qui, si nous ne nous trompons, en effraieraient plus d’un. Mais du moins les partisans du spiritualisme doivent lui savoir gré du courage et de la hardiesse avec laquelle il a pris la défense de cette doctrine. Il ne s’est pas borné en effet, ce qui est facile, à critiquer les doctrines adverses, comme si son propre système était définitif, et désormais à l’abri de toute objection. Il n’a pas non plus, ce qui est encore plus facile, feint d’ignorer les objections, et tenu pour non avenu tout ce qui ne s’accorde pas avec sa propre pensée. C’est de front qu’il aborde toutes, les difficultés, sans en déguiser, sans en affaiblir aucune. Et ceux mêmes qui ne partagent pas sa manière de voir ne pourront s’empêcher de rendre hommage au sérieux qu’il a apporté dans l’accomplissement de sa tâche, et aux rares qualités dont il a fait preuve. Nous voudrions ici, sans prendre parti ni pour ni contre la thèse principale qui y est soutenue, sans aucun esprit de secte, rechercher si les différentes parties du livre de M. Rabier sont bien d’accord entre elles, s’il s’en dégage une théorie vraiment une. Là était le danger pour une œuvre aussi vaste, telle que l’a comprise l’auteur. Il a bien senti ce danger : nous ne sommes pas sûr qu’il l’ait évité. Il faut se borner nous nous attacherons à un point d’une importance capitale en toute philosophie, sur lequel M. Rabier a longuement insisté : la théorie de la connaissance. Nous pensons assez de bien de ce livre pour ne pas lui refuser le plus grand honneur qu’on puisse faire à une œuvre philosophique, l’honneur d’une discussion libre et sérieuse.

Mais avant d’en venir au point particulier dont nous voulons nous occuper, on nous permettra de signaler quelques-uns des chapitres les plus importants : telles sont les pages si intéressantes sur l’inconscient, le beau chapitre sur l’imagination, la théorie de l’habitude, celle des inclinations, l’étude si importante et si nouvelle dans notre enseignement sur la croyance. Mais il faudrait tout citer.

La théorie de la connaissance débute par une remarquable analyse des sensations, ramenées à sept classes irréductibles : odeur, saveur, son, couleur, chaud et froid, attouchement, plaisir et douleur. Ni les sensations musculaires, ni le sentiment de l’effort, ni la sensation de