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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

froid qui se précipite à sa place. L’objection du Stagyrite est péremptoire : « Platon suppose donc l’expiration comme précédant l’inspiration ? Or il n’en est pas ainsi. Puisqu’on meurt en expirant, c’est par une inspiration qu’a dû commencer le cycle des mouvements respiratoires. « Aristote déclare en conséquence la théorie de son maître insoutenable. Il semble d’ailleurs avoir des notions beaucoup plus parfaites que ses devanciers, sur les organes de la respiration ; il connaît la communication des narines avec l’arrière-gorge, les rapports de la trachée-artère et de l’œsophage, l’orifice de la trachée fermé par l’épiglotte chez les vivipares, tandis qu’il se contracte simplement chez les ovipares (Resp., XI, 6). Chez les animaux qui ont beaucoup de sang, ce sang est envoyé au poumon par autant de veines correspondant aux conduits aériens (Resp., XXI, § 4), notion anatomique fort exacte puisqu’elle nous montre les vaisseaux pulmonaires accompagnant partout les bronches, mais qui laisse mal comprendre comment la dualité des poumons avait pu demeurer méconnue.

Pour Aristote les mouvements respiratoires sont de tous points comparables au mécanisme d’un soufflet avec cette seule différence que nous prenons et rejetons l’air par le même orifice (Resp., 8). C’est le poumon qui possède lui-même la faculté de s’étendre et de se resserrer, la poitrine ne fait qu’en suivre les mouvements. Quant au rôle physiologique de la respiration Aristote n’admet pas qu’elle ait pour but l’entretien du feu intérieur, auquel l’air du dehors apporterait une sorte d’aliment. Pour notre philosophe la source de la chaleur vitale est bien plutôt dans la nourriture, et voici comment il raisonne : si l’inspiration alimentait un feu, l’expiration devrait apporter le résidu de cette combustion ; or il est contraire à ce qu’on observe constamment dans l’organisme, que les mêmes conduits servent de la sorte à deux fins opposées. Mais la respiration se lie à la nutrition et voici comment : la coction des aliments, d’où résultera leur assimilation finale, ne saurait s’accomplir sans psyché[1] et sans chaleur. Or pour que ce feu se conserve, il faut un certain refroidissement qui est fourni par la respiration (Resp., VII, 8). Il semble y avoir, au premier abord, une sorte de contradiction dans ce refroidissement nécessaire pour conserver un feu. Mais reportons-nous à l’image du soufflet dont le vent lui aussi est froid quand on le reçoit contre la main et cependant alimente le feu. Il est inutile, croyons-nous, d’aller chercher plus loin l’explication du rôle que

  1. Voy. ci-dessus, tome XVIII, p. 375 et suiv.