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la croyance que cet individu a dans sa conscience des objets semblables à ceux qui se trouvent dans la mienne. Mais je n’ai pas une connaissance directe et objective de sa conscience. Son système nerveux et les modifications qui s’y accomplissent peuvent être des objets pour moi, ils sont dans le domaine de mon expérience immédiate. Au contraire, quand j’infère l’existence, chez cet individu, de représentations semblables aux miennes ; comme je ne puis pas plus entrer dans son moi que dans sa peau, ce n’est là qu’une inférence indirecte, une projection de ma propre conscience.

M. le prof. Clifford[1] a fort bien appelé éjets ces existences inférées afin de les distinguer des objets. Les premiers sont projetés hors de ma conscience, les secondes lui sont présentés.

Ceci étant donné, la réponse à la question d’Hylas devient facile.

Il y a un parallélisme constant entre les faits de conscience ou faits éjectifs. D’autre parts les fonctions de la vie organique sont également de faits objectifs.

La traduction en langage idéaliste de cette proposition : la destruction de certains éléments nerveux abolit la sensibilité sans abolir les autres fonctions organiques, sera donc la suivante :

Dans le groupe de représentations appelées par moi, individu, la disparition d’une certaine classe de représentations appelées système nerveux et dont j’ai une connaissance objective amènera la disparition de la classe de représentations d’après lesquelles j’infère qu’il y a hors de moi des faits de conscience analogues aux miens, mais dont je n’ai qu’une connaissance éjective, tandis qu’elle pourra laisser subsister d’autres classes de représentations (fonctions de la vie organique) dont j’ai une connaissance objective.

Philonous.

  1. Voir sur M. Clifford l’excellente étude de M. Lyon (Revue philos., t.  XVI). Voir aussi l’analyse de ses Lectures and Essays (Rev. phil., t.  IX).