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notes et discussions

sible à prévoir, de la conscience, tandis que la croyance et le désir en sont les éléments permanents, l’idéalisme gagnerait en clarté et atteindrait mieux son but légitime en regardant le monde comme la possibilité de nos jugements, comme la certitude ou la probabilité de nos certitudes et de nos probabilités, ou comme la possibilité de nos désirs, plutôt que comme la possibilité de nos sensations. Pareillement, la monadologie, issue forcément de l’idéalisme, aurait tout avantage à objectiver la croyance et le désir plutôt que la sensation pure, en ce qu’elle a de qualitatif et d’indécomposable en jugements. — Or, la science a, confusément et inconsciemment, essayé l’objectivation du désir en s’appuyant sur l’idée de force pour expliquer l’univers. Déjà les résultats ont été assez beaux pour encourager. Il ne reste donc plus qu’à voir si l’objectivation de la croyance ne projetterait pas au cœur des choses des clartés plus pénétrantes encore. « Le monde comme représentation et volonté. » À cette hypothèse de Schopenhauer, substituons celle-ci, plus précise : le monde comme croyance et désir mais — surtout comme croyance.

G. Tarde.

Schopenhauer qui a donné à la thèse idéaliste sa forme la plus radicale avait bien vu que nos représentations ont leurs conditions d’existence dans le système nerveux. Il aurait donc, sans s’en douter, passé à côté de la difficulté signalée dans la note de la Revue.

D’ailleurs cette difficulté ne paraît pas devoir embarrasser les partisans de l’idéalisme. Il existe bien un rapport nécessaire entre l’existence de nos représentations et la présence de certains éléments nerveux, mais pour l’idéaliste ce rapport unit simplement des représentations. Le système nerveux lui-même n’est qu’un ensemble de représentations qui ne diffèrent pas essentiellement des autres. La possibilité d’une représentation quelconque est subordonnée à l’existence d’un groupe de représentations appelé système nerveux. Il n’y a rien là qui puisse infirmer l’idéalisme.

Pour s’en convaincre, il suffit de voir comment nous arrivons à établir cette corrélation entre les faits de conscience et le système nerveux.

Si je reste enfermé dans le domaine de ma propre conscience, je ne puis établir aucun rapport de ce genre. En effet, une fois ma conscience supprimée, rien n’existe plus pour moi, ni monde extérieur, ni fonctions organiques, ni moi-même. Je suis mort pour moi.

Que se passe-t-il au contraire, quand je considère (toujours à un point de vue idéaliste) les autres êtres conscients ?

J’ai en face de moi un individu : cet individu n’est pour moi qu’un ensemble de représentations. Une certaine classe de ces représentations est appelée par moi système nerveux.

D’autre part, par l’intermédiaire des signes, du langage, etc., j’acquiers