Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 19.djvu/56

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
revue philosophique

ce sang retombe dans les parties profondes, l’air se précipite pour le remplacer, c’est l’inspiration. Mais l’air ne dépasse pas les narines ; il ne va pas jusqu’au poumon, Îles narines sont donc le lieu même de la respiration. Il n’est fait aucune allusion, dans le fragment d’Empédocle, aux mouvements du poumon et de la poitrine évidemment en rapport avec cette ascension et cette descente du sang léger : mais sont-ils effet ou cause ? Nous ne le savons pas.

Le système de Démocrite aussi mal connu que celui d’Empédocle, n’est pas d’une exposition plus aisée. Ce système semble attribuer à la respiration le rôle prédominant dans la vie, dont elle serait comme le principe. L’âme (la vie) pour Démocrite, paraît dépendre d’une multitude de corpuscules analogues à ceux que nous voyons flotter dans un rayon de lumière pénétrant par la fente d’un volet, toujours agités quelle que soit la profonde tranquillité de Pair. Cette opinion remonte peut-être à Pythagore (Âme, I, ii, 4). Mais il ne faut pas croire qu’il s’agisse ici d’une image : ces corpuscules d’ordinaire invisibles flottant dans l’air, que Démocrite déclare sphériques à cause de leur extrême mobilité (Âme, I, ii, 12), sont bien réellement le principe même de la vie. L’enveloppe de notre corps est pleine de ces corpuscules, qui se déplacent sans cesse dans les vides entre les atomes qui le forment. Pendant l’état de veille ils sont tous refoulés vers la région du cœur. Quand ils s’échappent dans les membres, c’est le sommeil. La respiration, ou plutôt l’inspiration introduit sans cesse en nous un certain nombre de ces particules intangibles, qui s’opposent, par leur mouvement même, à l’expansion vers le dehors (par les voies respiratoires ?) de celles qui sont accumulées dans la poitrine. Dès que ce mouvement s’arrête, dès que l’antagonisme des particules extérieures refoulant les intérieures vers le cœur, cesse d’avoir lieu, rien ne gêne plus l’expansion de ces dernières ; non seulement elles se répandent dans tout le corps, comme pendant le sommeil, mais de plus à l’extérieur et la mort est la conséquence de leur dispersion. (Voy. Âme, I, 2 ; Respiration, et Lucrèce.) Celle-ci se fait-elle par les voies respiratoires seulement, ou à travers toute la surface du corps, ou des deux côtés à la fois ? C’est ce qui ne ressort pas très bien des passages que nous signalons et ce qui n’était peut-être pas très clair dans l’esprit des anciens atomistes. Un grand malheur pour l’histoire de l’esprit humain est que toute cette ancienne physiologie ne nous soit connue que par des fragments insuffisants.

Le passage du Timée sur la respiration mériterait à peine d’être signalé si Aristote n’y répondait. D’après Platon, la chaleur sortant au dehors par la bouche est nécessairement remplacée par de l’air