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dans les proportions nécessaires. Ils prennent maintenant, sans aucune difficulté, les médecines elles-mêmes. L’exercice peut être poussé plus loin. Lorsque l’enfant a adapté sa volonté à l’étendue des sensations désagréables qu’il lui arrive de supprimer, il y a intérêt à lui grossir le désagrément attendu, en lui disant, par exemple, que le goût du remède à prendre est plus désagréable que la veille. On peut alors observer, grâce à la mimique animée de l’enfant, qu’il s’opère en lui une tension anticipée beaucoup plus violente de la volonté, par suite de l’attente d’un plus grand désagrément. Mais le sentiment de l’agrément qui doit suivre est plus fort aussi, et on peut le considérer comme une preuve de l’énergie des processus psychiques. Si l’on pratique de pareils exercices, en usant d’une douceur paternelle et en montrant de l’estime pour le jeune être, ils sont certainement utiles. On peut les commencer à l’âge d’un ou deux ans. Certainement, il est nécessaire d’adapter rigoureusement ses exigences aux forces du petit, mais il n’est pas, pourtant, difficile d’arriver à la juste mesure. Ce qui est le plus indispensable, c’est d’accoutumer les enfants à supporter la sensation de la douleur.

Il est plus difficile et plus compliqué d’accoutumer les enfants à réprimer leurs émotions et leurs affections. Uffelmann observe avec justesse que la santé physique et psychique de l’enfant dépend beaucoup de la solution satisfaisante de ce problème[1]. On doit pratiquer l’art de supprimer ces affections dès l’âge de deux ans ; la période de deux à quatre ans paraît être l’époque où les efforts de l’éducateur peuvent être suivis des meilleurs résultats. Les affections infantiles ne se distinguent point par leur force : ce sont des mouvements psychiques assez superficiels[2] et de peu de durée ; et si la lutte contre eux est indispensable, ce n’est que parce qu’ils deviennent facilement habituels et influent sur le caractère de l’enfant, en augmentant chez lui l’inconstance psychique d’ailleurs très considérable. L’affectivité des enfants dépend en partie de la faiblesse de leur volonté, incapable encore de réprimer les émotions. Les affections, qui ont le plus de signification dans l’âge infantile, sont : la colère, la peur, la confusion. La répression en est atteinte par le développement simultané de la volonté et du raisonnement ; elle exige, peut-être, plus que tous les autres côtés de l’éducation, la participation personnelle et l’exemple des parents. Pour ce qui est de la répression des affections, de la peur surtout, Locke conseille d’accoutumer les enfants à supporter la douleur[3].

  1. Uffelmann, loc. cit., p. 533.
  2. Vierordt, Physiologie des Kindesalters, etc., p. 478.
  3. Locke, loc. cit., p. 174.