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Dr SIKORSKI . — l’évolution psychique de l’enfant

Elle est transmise à l’enfant comme un acte réflexe, comme un écho et elle fait surgir chez lui une tension semblable.

3o Tous les meilleurs observateurs conseillent de motiver les postulats proposés, afin que les motifs, étant conçus et compris par l’enfant, ils servent de source à sa propre volonté. La signification de ce procédé est exposée en détail dans Locke[1]. L’exposé des motifs doit naturellement être conforme à l’intelligence de l’enfant, il peut être approximatif, général, bref, mais il est absolument nécessaire. « Les enfants qui comprennent le langage maternel sont capables, dit Locke, de comprendre aussi les motifs exposés. »

Passons maintenant à l’analyse de la volonté inhibitoire. Elle a, dans la somme des fonctions psychiques, une plus grande signification que toutes les autres sortes de volonté, et Preyer remarque avec justesse que le caractère de l’enfant est surtout défini par le degré de ses capacités répressives[2]. Le développement de l’action répressive de la volonté exige beaucoup d’attention et de nombreux exercices systématiques. Ces derniers peuvent varier. Si, par exemple, assis, un livre à la main, ou occupé à écrire, vous enjoignez à votre enfant de tâcher de rester aussi tranquille que vous-même, il commence par vous obéir avec plaisir ; mais vous vous absorbez dans votre travail, et quelques secondes après il s’abandonne déjà à sa mutinerie habituelle. Si vous lui rappelez qu’il est bien plus turbulent que vous-même, il réprime de nouveau, pour quelques instants, tous ces actes impulsifs et instinctifs, toute sa mécanique psychique, sous l’influence de l’idée que vous venez de lui souffler. C’est déjà beau-coup de volonté ferme pour ce petit cerveau.

Parmi les cas concrets de répression les plus salutaires, il faut citer la répression des instincts (de la faim par exemple), de l’impulsivité, le fait de supporter patiemment des sensations désagréables (la douleur surtout), et la répression des affections. La faim et la soif sont les instincts principaux de l’enfance. La sensation de la faim se manifeste avec beaucoup d’énergie ; dans les premières semaines de la vie elle revient à de courts intervalles à cause du petit calibre de l’estomac, et de la petite quantité de nourriture qu’il peut contenir[3]. La sensation de la faim occupe la première place dans l’ensemble des autres sensations du nouveau-né. Mais à mesure que le sentir, le percevoir et le penser se développent, l’attention de l’enfant se partage entre ces derniers et la sensation de la faim

  1. Locke, Pensées sur l’éducation, Paris, 1882, p. 93-95.
  2. Preyer, loc. cit., p. 218.
  3. Preyer, loc. cit., p. 98.