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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

Aristote croit, nous ne savons par quelles raisons, le crâne vide en arrière dans la région de l’occiput (Hist. anim., I, vii, 3, xiii, 2). Cependant il connaît le parencéphale[1] (= le cervelet), les deux méninges, les nerfs optiques et leur entrecroisement ainsi que deux autres conduits de l’orbite qu’il est plus difficile de déterminer[2], Ces détails comptent certainement au nombre des plus intéressants que nous donne la collection aristotélique sur l’anatomie des animaux supérieurs.

La fonction de l’encéphale, avons-nous dit, est essentiellement refrigérante. On a vu l’aliment sublimé s’y condenser comme une vapeur pour retomber en glaires et en lymphe. On a vu le froid de l’encéphale produire la calvitie. C’est encore lui qui retarde aux premiers jours de la vie, l’ossification de la fontanelle (Gen. II, 99)[3]. Un passage du traité De la jeunesse et de la vieillesse, auquel nous avons déjà fait allusion, montre certains physiologues soutenant dès cette époque que l’encéphale est le siège des sensations : pour Aristote celui-ci est exclusivement dans le cœur ou au voisinage du cœur. Toutefois il admet que l’encéphale ou ce qui en tient lieu chez les animaux, est le siège du sommeil (Du Sommeil, III, 16). Cette opinion est due probablement à la lourdeur de la tête quand nous sommes pour nous endormir. On sait aujourd’hui qu’elle dépend de modifications dans l’activité des nerfs se rendant aux muscles qui maintiennent la tête droite. Mais les anciens pensaient que la tête augmente de poids en réalité ; ils prenaient au propre ce mot « lourdeur » que nous employons encore au figuré[4]. Le fœtus dort dans le ventre de sa mère, comme nous le dirons plus loin, parce

  1. L’encéphale ne s’appelle pas encore le cerveau. C’est Galien qui lui donnera ce nom italiote (cerebrum) après avoir découvert que les Crabes ont le centre nerveux dans le ventre et qu’on ne peut, par conséquent, lui donner chez tous les animaux le nom grec d’encéphale. Galien prenait chez ces animaux le ganglion sous-œsophagien d’où il voyait partir les nerfs des membres, pour le représentant de l’encéphale des vertébrés.
  2. Probablement l’artère ophthalmique et quelqu’un des nerfs qui se rendent à l’orbite. Voici au reste en entier ce très curieux passage : « De l’œil, trois conduits se rendent à l’encéphale ; le plus grand et le moyen vont jusqu’au cervelet, et le plus petit va dans le cerveau même ; le plus petit conduit est le plus rapproché du nez. Les deux plus grands dans l’un et l’autre œil sont parallèles et ne se rencontrent pas. Les conduits moyens se rejoignent, disposition qu’on remarque surtout chez les poissons ; car ces conduits moyens sont plus près du cerveau que les grands conduits. Les plus petits conduits s’éloignent le plus complètement l’un de l’autre, et ne se touchent jamais. »
  3. Voyez encore sur l’action refroidissante de l’encéphale, Sommeil, III, § 46.
  4. Au traité De la Genèse, II, 101, nous trouvons cette remarque fort juste que le faible poids des paupières n’empêche pas qu’elles n’aient parfois une lourdeur considérable, comme on l’éprouve à l’approche du sommeil ou de l’ivresse ; les causes de cet alourdissement ne sont pas indiquées.