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ment consistent à pousser et à tirer, il faut donc que l’organe puisse à la fois se dilater et se contracter ; or c’est là précisément la nature du souffle. »

Ceci ne semble pas d’Aristote. C’est seulement plus tard qu’on fera jouer au pneuma un rôle capital en physiologie[1]. Soit qu’il faille retrouver dans cette doctrine la trace des idées de Démocrite, soit qu’on en explique autrement les origines, il est certain qu’elle n’a point tardé à se substituer à la doctrine « cardiaque », comme on pourrait l’appeler, qui est la propre doctrine du Stagirite.

Aristote remarque que certains mouvements sont involontaires et il est possible qu’on doive lui faire honneur de cette distinction capitale en physiologie. Il cite comme exemple les mouvements du cœur et l’érection, qui sont, en effet, absolument soustraits à notre volonté. Il sait même ranger à part les mouvements dont nous ne disposons que dans une certaine mesure, comme ceux de la respiration ; il classe dans la même catégorie le sommeil, peut-être par quelqu’un de ces rapprochements que faisaient les anciens et dont nous n’avons pas toujours la clé, peut-être à cause de ces mouvements des paupières ou de la tête et des bâillements dont nous ne sommes plus tout à fait maîtres quand le sommeil nous envahit.

VI

l’encéphale, le poumon, la voix.

Si le cœur est l’organe calorifique par excellence et communique sa chaleur au sang, deux autres organes dans le corps ont une fonction opposée, réfrigérante : ce sont l’encéphale et le poumon. Pour Platon, le maître d’Aristote, le cerveau et la moelle épinière n’étaient que la moelle des os du crâne et des vertèbres comparable à celle qu’on trouve dans les os des membres. Il faudrait se bien garder de juger par le Timée des connaissances biologiques du temps où il fut écrit ; mais il est certain qu’Aristote n’a rien connu du rôle du système nerveux. Galien constatera lui-même cette grande lacune de la science ancienne.

  1. Trad. B. S.-H. — On pourrait à la rigueur retrouver dans cette doctrine le point de départ des idées qui règneront encore au temps de Descartes sur la contraction musculaire. Pour lui ou du moins pour l’éditeur de ses œuvres posthumes, les esprits animaux, qui sont aussi une sorte de souffle, sont versés par les nerfs dans les muscles qu’ils gonflent comme des ballons, et en provoquent par suite le raccourcissement.