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et que la pensée absolue, qui se manifeste dans les choses et qui les rend vraies, a pour dernière forme et pour dernier mot la liberté.

Nous croyons aussi, avec M. Cousin, que tout ce qui se passe dans la conscience peut et doit être expliqué par un certain nombre de lois et de facultés. Nous avons déjà distingué en nous deux sortes de lois, dont les unes ne font qu’exprimer les rapports de nos facultés entre elles, tandis que les autres déterminent l’ordre de nos perceptions et, par suite, de toutes nos modifications particulières. Nous continuons à renvoyer l’étude de ces dernières à la physiologie et à la physique, en remarquant toutefois qu’elles ne sont pas quelque chose de purement matériel et d’étranger à la pensée, puisqu’elles sont elles-mêmes déterminées a priori par la double idée de la causalité et de la finalité. Quant à nos facultés, nous en avons aussi, à plusieurs reprises, énuméré quelques-unes, mais nous venons peut-être d’en dresser la liste complète, dans notre travail de synthèse ou de construction de la conscience. On nous demandera sans doute si la nécessité, le temps, l’étendue linéaire sont des facultés ou de simples objets de connaissance : nous répondrons que ce sont pour nous des actes permanents de la conscience, qui se pose, en effet, comme pur objet ou pure vérité, avant de devenir pensée réfléchie et libre affirmation d’elle-même. Il est d’ailleurs, croyons-nous, de l’essence de nos facultés d’être à la fois les actes constitutifs et les objets irréductibles de la conscience. Les unes, comme la nécessité, la volonté, la liberté, sont les principes proprement dits, qui rendent possible et vrai a priori tout ce qui existe : les autres, comme le temps, la sensation, la réflexion individuelle, les trois puissances de l’étendue, sont ces notions ou natures simples dont parlaient Descartes et Leibniz, et qui étaient suivant eux les derniers éléments des choses. Ainsi la théorie des facultés coïncide pour nous, dans toutes ses parties, avec ce qu’on appelait naguère la théorie de la raison. Nous adoptons ces deux théories à peu près telles, au moins dans leurs traits généraux, que nous les donne la psychologie spiritualiste : mais nous avons dû, pour les justifier, suivre une méthode qui n’est pas la sienne. On peut bien, en effet, constater en soi l’existence de telle ou telle fonction, intellectuelle ou sensible mais comment savoir si cette fonction n’est pas un simple produit de l’habitude, si elle est aujourd’hui la même chez tous les hommes, si on la retrouvera la même demain, dans sa propre conscience ? Il faut donc démontrer les principes et définir a priori les facultés ; et d’un autre côté, comment passer, par le raisonnement, d’une forme simple de la conscience, à une autre forme qui, par hypothèse, n’est pas contenue dans la première ? C’est