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J. LACHELIER. — psychologie et métaphysique

quatrième idée de l’être que de quatrième dimension de l’étendue.

Peut-être, après ce double travail d’analyse et de synthèse, sommes-nous en droit de conclure définitivement, et sur tous les points, en faveur du spiritualisme.

Il est certain d’abord qu’il y a en nous des faits, ou plutôt des actes, que l’on peut qualifier de spirituels, et qui diffèrent profondément de tout ce qui est matériel et physique. Il ne faut pas confondre, comme on le fait souvent, la conscience avec l’esprit : le désir, la sensation, l’étendue visible font partie de la conscience, et ce sont les éléments mêmes de la nature ; la causalité, le temps, la ligne sont aussi dans la conscience, mais n’y sont que comme les conditions abstraites de l’existence de la nature. Ce qui est proprement spirituel, c’est ce qui est, selon la remarque de Bossuet, intellectuel : c’est cette troisième conscience, qui est la connaissance réfléchie des deux autres, et que nous avons tour à tour analysée et reconstruite a priori. Cette conscience existe, car son existence ne peut être niée ou mise en doute que par elle-même ; elle doit, de plus, exister, parce qu’elle est le développement nécessaire de l’une des puissances de l’idée de l’être. Mais une connaissance ne peut porter que sur une vérité : nous sommes donc conduits à réunir deux questions que M. Cousin avait séparées, et à affirmer, en même temps que l’existence de l’esprit, celle d’une vérité extérieure à lui et indépendante de lui. Nous savons, du reste, ce que c’est que cette vérité : elle n’est, ni une chose en soi, ni un attribut de choses en soi : elle est l’idée même de l’être dans ses deux premières puissances et la manifestation de ces deux puissances dans le mécanisme et dans la vie. L’existence de cette vérité n’est pas pour nous une hypothèse destinée à expliquer le fait de la connaissance : nous l’avons vue se constituer elle-même dans l’absolu, en vertu, soit d’une nécessité logique, soit d’un progrès spontané de la pensée : nous savons directement, et qu’elle est, et qu’elle doit être. Nous comprenons enfin le rapport de la connaissance avec la vérité, qui est en même temps celui de l’esprit avec la nature. C’est bien une seule et même raison, comme le croyait M. Cousin, qui, d’impersonnelle qu’elle est en elle-même, devient en nous réfléchie et personnelle ; et il y a quelque chose de vrai, sinon dans le matérialisme, du moins dans le naturalisme, qui fait naître l’esprit des choses et ne voit dans l’intelligence qu’une forme supérieure de la vie. Mais il ne suffit pas de dire que l’esprit est en germe dans la nature : il faut encore expliquer comment il s’en dégage, et comment la connaissance, sans cesser d’être identique à la vérité, s’en distingue et s’y oppose. C’est ce que nous avons essayé de faire en montrant que la connaissance débute par un acte libre,