Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 19.djvu/514

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
510
revue philosophique

pouvons donner le nom d’être : donc l’être est. Cette idée de l’être, dont nous venons d’établir l’existence, paraîtra probablement bien vide elle n’est, en effet, que l’idée même de l’existence ou la forme générale de l’affirmation : elle n’a qu’un seul caractère positif, qui est de se déterminer elle-même. Elle suffit cependant, grâce à ce caractère, pour rendre compte de deux éléments de la conscience sensible, dans lesquels elle se réfléchit, en quelque sorte, et auxquels elle confère, par cela même, une valeur objective. Elle se détermine elle-même : elle est donc à la fois antérieure et postérieure à elle-même : elle doit donc être figurée, dans la conscience sensible, par une forme vide de l’antériorité et de la postériorité : et cette forme n’est autre que la première dimension de l’étendue, ou la longueur. De plus elle va, par une sorte de mouvement logique, d’elle-même, en tant qu’antérieure, à elle-même, en tant que postérieure : il doit donc y avoir aussi, dans la conscience sensible, un passage purement formel de l’avant à l’après, ou une appréhension successive de la longueur : et ce passage ou cette succession est le temps. Mais l’idée de l’être se transforme elle-même au contact de son propre symbole et, tandis qu’elle n’était d’abord que nécessité logique, détermination du même par le même, elle devient, en s’appliquant à l’étendu et au successif, détermination de l’homogène par l’homogène, nécessité mécanique, en un mot, causalité. La causalité, voilà, en définitive, l’être idéal ; le schème pur de la causalité, la ligne invisible décrite par le temps, voilà l’être réel ou le monde : tout le reste doit être tenu par nous pour une illusion et pour un rêve.

Mais n’y a-t-il rien de plus, dans l’idée de l’être, que ce que nous y avons vu jusqu’ici ? Considérée en elle-même et abstraction faite de ses rapports avec la conscience sensible, cette idée n’est encore pour nous que la forme vide d’une affirmation qui, faute d’objet, s’affirme elle-même. Mais elle appelle, par cela même, comme son complément, celle d’un contenu distinct de cette forme, d’un être, en quelque sorte, matériel, qui devienne l’objet de cette affirmation, mais qui subsiste en lui-même avant elle, qui soit, en un mot, non le fait d’être, mais ce qui est. Non seulement cette seconde idée complète la première, mais encore elle l’explique et la justifie : l’être abstrait va se rattacher, comme à sa racine, à l’être concret, et nous ne pouvons même plus concevoir l’existence que comme une sorte de manifestation de ce qui existe. L’être est, dirons-nous une seconde fois, et nous irons maintenant dans cette proposition, comme on l’a toujours fait, du sujet à l’attribut : l’être se pose d’abord en lui-même, comme sujet et comme essence, et se manifeste ensuite hors de lui, par l’attribut de l’existence. Mais de