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LA BIOLOGIE ARISTOTÉLIQUE

(Suite)[1]

V

les mouvements.

La physiologie des mouvements est beaucoup moins avancée chez Aristote que celle des sens. On a déjà vu qu’il ignore la fonction aussi bien que l’individualité des muscles : pour lui les nerfs, c’est-à-dire en général les tendons, sont les seuls organes du mouvement, comparables aux ressorts ou plutôt aux fils qui font agir une marionnette[2]. Mais il devine en quelque sorte la nécessité d’un centre moteur pour toute la machine. Il démontre fort bien que le principe du mouvement (l’excitation motrice, dirions-nous) ne peut pas être répandu dans tout le corps à la fois et qu’il ne réside pas plus à l’extrémité du bras dans la main, qu’à l’extrémité d’un bâton que tient cette main et qui obéit lui aussi au principe moteur. L’observation est assez juste dans sa forme pittoresque. Il faut donc de toute nécessité que le principe moteur soit localisé dans un organe central ; et celui-ci naturellement est le cœur ou ce qui en tient lieu chez les animaux qui n’en ont pas. Mais il semble que le passage du traité Du principe général du mouvement (X, § 5), auquel nous nous reportons, s’écarte ici quelque peu sensiblement de la pure doctrine aristotélique. Car le cœur ne puise pas en lui-même et en lui seul cette excitation motrice qu’il transmet aux membres, il l’emprunte au mouvement respiratoire : « le souffle par sa nature est parfaitement propre à donner le mouvement et à communiquer de la force à l’animal. En effet, les fonctions diverses du mouve-

  1. Voir les numéros d’octobre et de novembre 1884 de la Revue.
  2. C’est pour cela qu’on est le plus fort dans la jeunesse, parce que les nerfs et les articulations (ἄρθροι, qu’il conviendrait peut-être de traduire ici par « ligaments », sont plus forts. Dans l’enfance ils ne sont pas suffisamment tendus, et ils se détendent dans la vieillesse. Ils sont par suite incapables du mouvement qui leur appartient (Gen. V, 87).