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J. LACHELIER. — psychologie et métaphysique

ment régie par les lois de la matière : nous avons donc essayé de lui rendre son indépendance et sa spontanéité, en la plaçant, non plus, comme M. Cousin, en dehors et au-dessus du monde extérieur, mais au-dessous et au centre même de ce monde, qui n’en est, suivant nous, que l’épanouissement. Nous ne nous faisons pas illusion sur la portée des résultats auxquels nous sommes parvenus : nous savons très bien que la puissance aveugle que nous avons décrite sous le nom de conscience n’est pas un esprit, et que la spontanéité que nous lui attribuons n’a rien de commun avec la liberté morale. Nous n’avons pas cessé d’accorder à la nouvelle psychologie sa thèse fondamentale, qui est l’identité de la conscience avec la réalité physique ; nous n’avons fait qu’élargir son point de vue sans le déplacer, et transformer le matérialisme, qu’elle professe implicitement, en une sorte de naturalisme. Mais il reste toujours, à prendre les choses en gros, que c’est elle qui a raison et le spiritualisme qui a tort.

Nous ne voudrions pas cependant que le résultat de cette étude fût de donner tort au spiritualisme.

IV

Comment prouver que l’esprit, la raison, la liberté, ne sont pas des chimères ? Faut-il, pour maintenir les conclusions de M. Cousin, renoncer à sa méthode, traiter la psychologie comme une science exacte et construire, comme on dit, la conscience, au lieu de l’analyser ? Mais on ne peut construire ainsi que des abstractions : or la conscience, avec tout ce qu’elle renferme, est un fait, et ce fait est lui-même la condition du travail spéculatif par lequel on essaierait de le construire. Nous sommes donc ramenés, bon gré malgré, à l’analyse de la conscience : reste à savoir si cette analyse ne peut pas être faite d’un point de vue tout différent de celui où nous nous sommes placés jusqu’ici.

Nous avons cherché, dans ce qui précède, à déterminer le contenu de la conscience : nous connaissons donc ce contenu, ou du moins il ne tient qu’à nous de le connaître : nous avons donc, si l’on nous passe l’expression, conscience de notre conscience. C’est cette connaissance réfléchie des faits qui composent notre vie intérieure, cette conscience idéale, ou plutôt intellectuelle, de notre conscience réelle et sensible, que nous voudrions maintenant soumettre à l’analyse.

On nous arrêtera probablement dès le début, en nous disant que cette nouvelle conscience ne diffère pas de celle que nous venons de décrire, ou n’en est que la forme la plus élevée et la plus distincte.