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J. LACHELIER. — psychologie et métaphysique

les affections obscures sur lesquelles elles reposent et qui forment au-dessous d’elles la trame continue de la conscience. Les phénomènes internes sont certainement soumis à des lois, et nous n’avons même aucune raison de croire qu’il y en ait parmi eux qui fassent exception à cet égard : mais nous devons renoncer à découvrir ces lois, tant que nous ne serons pas en possession de tous les phénomènes internes ou que ces phénomènes n’auront pas été résolus dans leurs derniers éléments. Or c’est là un résultat auquel aucune réflexion ne pourra jamais nous conduire ; et, si nous avons quelque chance de saisir un jour les rapports qui existent entre les phénomènes simples de la conscience, ce n’est pas par l’étude directe de ces phénomènes eux-mêmes, mais plutôt par celle des états nerveux auxquels ils correspondent et dont ils reproduisent la succession. Les véritables lois de la psychologie ne peuvent être, en définitive, que des lois physiologiques.

1o Il ne nous reste plus qu’une question à résoudre, mais cette question est la plus grave de toutes : y a-t-il des phénomènes internes réellement distincts des phénomènes externes, ou la conscience porte-t-elle immédiatement sur les phénomènes physiques, qui seuls existent par eux-mêmes ? La première hypothèse semble inadmissible lorsqu’il s’agit d’une perception distincte, comme celle d’une figure ou d’un mouvement : soutenir que cette perception est elle-même un phénomène d’un genre particulier, qui s’interpose, en quelque sorte, entre la conscience et son objet, c’est avouer que cet objet reste, en lui-même, étranger à la conscience et nier le fait même que l’on se propose d’expliquer. Le cas est moins simple lorsqu’il s’agit d’une sensation de couleur ou d’odeur, d’un sentiment de peine ou de plaisir, ou enfin, d’une volonté : car ces différentes modifications de la conscience ont toutes quelque chose d’intensif, qui contraste profondément avec le caractère purement extensif des phénomènes du monde extérieur. Il est certain toutefois, par l’exemple des couleurs et des sons, qu’une sensation peut n’être autre chose que la perception confuse d’un mouvement : il est donc au moins permis de supposer que le sentiment et la volonté ne sont qu’une manière confuse de percevoir les différents états, soit des nerfs qui président aux fonctions nutritives, soit de ceux qui déterminent la contraction des muscles. Comment, d’ailleurs, pourrions-nous dire que nous souffrons dans une partie de notre corps, si notre souffrance était un phénomène purement spirituel et étranger à toute étendue ? Comment pourrions-nous dire que nous voulons marcher et que nous marchons, si notre volonté ne se confondait pas avec l’action physique qui imprime le mouvement à nos mem-