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J. LACHELIER. — psychologie et métaphysique

nécessaires et se distinguent, par ce double caractère, de nos jugements empiriques.

6o Les connaissances que nous devons à notre raison ne sont pas seulement vraies à nos propres yeux : elles correspondent vérités qui existent hors de nous et dans la nature des choses. Sans doute, lorsque nous réfléchissons sur ces connaissances et que nous nous les approprions, en quelque sorte, par cette réflexion, nous pouvons nous demander si leur vérité n’est pas renfermée tout entière en nous-mêmes : mais leur caractère primitif est d’être spontanées et impersonnelles ; et, sous cette forme, elles ont le privilège de nous transporter hors de notre propre conscience et de nous faire entrer en communication avec la raison universelle. Nous n’avons donc aucun motif de douter de la valeur objective de nos connaissances rationnelles, et ce doute, purement spéculatif, est en effet démenti par la croyance irrésistible de tous les hommes.

Spiritualité et liberté en nous, raison en nous et hors de nous, tel pourrait être le résumé de ce résumé et de toute la psychologie de M. Cousin.

II

Tout ce que M. Cousin affirmait au nom de l’expérience intérieure, une nouvelle psychologie le nie au nom de cette même expérience. Nous allons opposer successivement chaque négation à l’affirmation correspondante, mais en renversant l’ordre que nous avons suivi tout à l’heure.

7o Comment d’abord, dans une science qui n’a pour objet que les faits de conscience, peut-il être question de vérités situées hors de notre esprit et d’actes par lesquels nous sortons de nous-mêmes pour les atteindre ? Ou nous avons conscience de ces actes et de ces vérités, et cette conscience les frappe du caractère de subjectivité dont on voulait les affranchir : ou nous n’en avons pas conscience, et ils sont alors pour nous comme s’ils n’étaient pas. Dira-t-on qu’il faut bien que nos connaissances rationnelles correspondent à un objet extérieur, puisqu’autrement elles n’auraient pas plus de valeur objective que des rêves ? Nous répondrons que cet argument est fondé sur une équivoque : il faut assurément, pour qu’une connaissance soit vraie, qu’elle se rapporte à un objet distinct d’elle, mais il n’est pas nécessaire que cet objet soit transcendant et extérieur à notre esprit : il faut, au contraire, qu’il tombe lui-même sous les prises de notre conscience, afin que nous puissions vérifier,