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J. LACHELIER. — psychologie et métaphysique

relevée, plus riche de faits et plus hardie dans ses hypothèses. La vie intérieure de l’homme s’est réduite encore une fois à la sensation, devenue elle-même la simple conscience d’un état organique : la volonté n’a plus été que la conscience d’un mouvement réflexe, la pensée, que le rapport de deux ou plusieurs sensations, la raison, qu’un résumé ou un extrait de l’expérience sensible. La psychologie a renoncé à chercher parmi les phénomènes de conscience des principes capables de nous conduire hors de la sphère des phénomènes et comme ces principes, s’ils existent, ne peuvent exister que dans la conscience, en rompant tout lien avec la métaphysique, elle a sapé la base de toute métaphysique. La méthode empruntée par M. Cousin au xviiie siècle a fini par nous ramener, assez logiquement peut-être, à la philosophie du xviiie siècle.

Nous allons essayer de résumer, avec toute l’impartialité possible, la conclusions énoncées, au nom de la même méthode, par les deux psychologies rivales : nous nous demanderons ensuite jusqu’à quel point il serait possible de transformer et d’élargir, et ces conclusions elles-mêmes, et la méthode qui y conduit.

I

La doctrine psychologique fondée par M. Cousin et encore enseignée aujourd’hui par ses disciples peut se résumer, croyons-nous, dans les six affirmations suivantes :

1o Nous observons en nous-mêmes certains faits d’un genre particulier, que nous appelons pensées, sentiments, volontés, qui ne se développent pas dans l’espace et ne sont visibles qu’à la conscience. L’existence de ces faits est aussi certaine, plus certaine même, que celle des phénomènes du monde extérieur : car la connaissance que nous en avons est immédiate, tandis que nous ne connaissons les objets extérieurs que par l’intermédiaire de nos sensations. Il est possible que plusieurs de ces faits, ou même tous, soient en rapport avec certains états de notre organisme : mais ils n’en sont pas moins distincts des phénomènes organiques auxquels ils correspondent, et l’étude exclusive de ces derniers ne nous en aurait jamais donné la moindre idée. Les faits de conscience forment, en un mot, un monde à part, et la science de ces faits doit être distincte de toutes les autres sciences, y compris la physiologie.

2o Les faits de conscience, à l’exception toutefois des « faits volontaires », sont soumis à des lois analogues à celles qui régissent le monde extérieur. Nous pouvons découvrir ces lois par le même