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gosier organisé de manière à parler, un cerveau (âme), des pieds et des mains (Extremitäten) et enfin il marche debout ; il communique avec ses semblables, il pense et il a conscience de sa pensée, il est capable d’un travail qui surmonte tous les obstacles, d’un progrès qui vise les buts les plus élevés. L’esprit est le développement de l’homme tout entier, il est à l’âme ce que l’âme est à la vie ; la puissance de l’esprit est l’expression d’une claire unification de l’organisme ; l’âme rend possible l’adaptation aux circonstances ; l’esprit permet le progrès ; avec lui l’homme arrive à concevoir le général.

L’esprit libre des métaphysiciens, avec son franc-arbitre sans limites, aurait pour conséquence un chaos social. La volonté est un côté de l’esprit, conçu comme identique avec l’individu ; elle est déterminée, mais elle est déterminée conformément à sa nature. Pour ceux qui admettent une double nature dans l’homme, il y a un problème de la liberté que personne n’a pu encore résoudre. Ce problème disparaît pour ceux qui n’admettent en l’homme qu’une seule nature ; il ne reste pour eux qu’une nécessité non conçue et une nécessité conçue qui est la seule liberté possible. On ne la trouve, pas plus que l’esprit, chez l’homme primitif ; comme l’esprit, elle est le résultat du développement de l’homme. L’éducation, au sens le plus large du mot, fait de la loi notre nature propre et transforme la loi générale en une loi particulière d’après laquelle nous agissons conformément à notre nature. La liberté ne commence pas encore avec la simple réflexion sur nos actes, car la raison qui réfléchit, identique à la volonté, est sans valeur morale ; il faut pour cela que nous éclaircissions notre désir de bonheur, que nous élargissions notre égoïsme pour le transformer en altruisme et c’est là le rôle capital de l’éducation. Toutefois l’éducateur ne peut se faire un mérite de l’œuvre accomplie, car il n’a agi que conformément à sa nature innée ou acquise. Ceux qui admettent l’existence d’un monde où le mérite trouvera sa récompense, ne sauraient prétendre que la vertu prenne, pour le moraliste, une valeur plus grande quand elle attend une récompense ; ceux qui se rattachent au déterminisme et à la loi de causalité ne sauraient vouloir maintenir une vertu liée au mérite. Mais tout état moral est lié à une noble joie : l’homme, rendu moral par l’éducation, se réjouit de sa moralité, non comme si elle était son œuvre, mais comme d’une nature qui lui serait devenue propre. La vertu ne doit plus être considérée comme le chemin du bonheur, mais le vrai bonheur est le chemin de la vertu véritable.

Baron N. Dellingshausen. — La pesanteur ou le passage à l’acte de l’énergie potentielle. — Article intéressant, suivi de plusieurs autres.

Analyse d’un ouvrage de Nehring sur les chevaux fossiles. On sait de quelle importance est cette question pour la théorie de l’évolution. L’auteur a étudié des chevaux fossiles trouvés entre Magdeburg et Halberstadt ; il a restitué la faune et la flore dont ils faisaient partie ; il les a comparés au cheval fossile trouvé en France et aux chevaux vivant actuellement.