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diate de la spontanéité : cette spontanéité n’est pas quelque chose d’extérieur à l’activité ni de distinct d’elle ; on peut l’en séparer logiquement, mais non réellement. La psychologie ne doit pas, comme les sciences physiques, s’attacher à un concept métaphysique en dehors du fait de la perception intérieure. Quand elle le fait, ou bien elle s’embarrasse d’une hypothèse inutile, ou du moins, elle ne fait pas un pas dans l’explication du phénomène.

Dr Emil Kraepelin. Zur Psychologie des Komischen.

La théorie du comique, on le sait, est une des plus difficiles et une des plus complexes de la science esthétique. Dans deux articles étendus et fort intéressants, le Dr Emil Kraepelin, reprend de nouveau ce sujet, qu’il envisage uniquement au point de vue psychologique. Selon lui, ce qui a fait échouer dans la solution de ce problème si délicat et si compliqué toux ceux qui, jusqu’ici, s’en sont occupés, c’est la méthode qu’ils ont suivie. Ils ont voulu aborder le côté objectif avant d’avoir étudié exactement et suffisamment le côté subjectif. Il fallait prendre pied sur le terrain solide de l’expérience ou de l’observation des faits de la vie intérieure qui correspondent aux objets eux-mêmes que nous appelons comiques. Ceux-ci dont les formes et les modes sont si variés et si multipliés, si difficiles à débrouiller dans leur complication simultanée et leur succession souvent si rapide, ne livrent leur secret qu’à celui qui connaît bien les faits intérieurs dont ils sont l’expression ou la manifestation extérieure. Telle est la marche à suivre pour arriver à une définition non arbitraire ou incomplète, mais vraie et adéquate du comique. Cette définition doit s’appuyer, non sur un ordre particulier de faits, mais sur leur ensemble. Elle doit être prise non dans une seule région de la vie extérieure, mais dans les trois domaines, de l’intelligence, du sentiment et de l’activité. Ces faits eux-mêmes doivent être observés et décrits dans leur ordre leur gradation véritable.

L’auteur entreprend lui-même cette tâche. Son travail d’analyse et de description, accompagné d’exemples bien choisis et propres à éclaircir ses explications, offre un véritable intérêt. Nous ne pouvons qu’en indiquer simplement la marche. L’auteur interroge d’abord l’intelligence dans ses représentations, puis dans ses actes, ses jugements, ses raisonnements, où apparaît le comique en lui-même et dans ses diverses formes ou espèces. Il l’observe et le suit avec non moins d’exactitude et de rigueur scientifique dans la région des sentiments que le comique excite en nous ; il fait l’analyse de ces sentiments, dont il marque la gradation successive.

Enfin il aborde une question plus difficile et plus compliquée encore, à laquelle mènent les deux autres, celle de la face supérieure et définitive et qu’il appelle drastique. Elle n’est autre que l’action même que produit sur nous le comique et qui se traduit au dehors par ce fait singulier : le rire. Cette action, non simple mais complexe elle-même, il s’agit de l’expliquer. C’est ce que l’auteur entreprend en s’appuyant sur le travail du Dr Ecker, qui a donné du comique une théorie