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dante. Si un nourrisson regarde son biberon, sans que sa bouche et sa langue y touchent, l’arrêt de toute une série d’effets est cause que l’impression sensible, qui ne se serait pas développée sans l’action de l’instinct, est sentie comme étrangère, comme non-moi, et le lait qui rassasie, le lait qui est doux, comme chose indépendante du moi.

Quant à l’espace et au temps, les données physiologiques ne sont pas tout dans notre notion de l’espace ; et nous ne sommes pas dans le temps, mais le temps est en nous. Le sujet-objet est en somme la dernière raison de l’existence. M. le professeur Glogau accepte franchement la doctrine métaphysique du sujet-objet, ou moi universel, moi absolu de Fichte. Dans le développement de ce moi tout est enfermé ; il n’est pas le moi empirique, individuel, il est situé au-delà. Le monde de l’intuition existe-t-il, au reste, véritablement ? On n’en saurait douter. Mais notre position ici est singulière : ce qui existe immédiatement est faux, quoique réel, et ce qui existe médiatement est non réel, quoique vrai.

Âme ou atome, le concept de l’objet indépendant n’appartient pas à la psychologie. Cette science « accepte le monde de l’homme pour vrai tel que nous l’expérimentons », et elle est en cela d’accord avec le positivisme. Cependant M. le prof. Glogau entend un autre homme que celui du positivisme, et il veut que « notre connaissance dépasse ce qui est donné. »

Lucien arréat.

Hazard. Man a creative first cause. Boston, 1883.

Dans deux discours de 50 pages chacun, il est aisé de parcourir toute la métaphysique, mais à la condition de s’interdire les haltes. À moins de ne faire qu’indiquer les solutions vers lesquelles il incline, M. Hazard aurait dû consacrer à son système, au moins un gros volume. Ce qu’il dit sur la puissance créatrice de l’homme n’est peut-être pas décisif, mais la thèse est soutenue avec une grande énergie de conviction et fait appel à des faits dont l’analyse psychologique n’a sans doute pas encore épuisé le contenu. M. Hazard est frappé du pouvoir créateur de l’homme et réclame pour lui le titre de cause première. Que crée l’homme ? D’abord, par la liberté de l’effort volontaire il agit sur le futur et le détermine. Il fait l’avenir. Ensuite il est seul et absolu créateur de son idéal moral. Sur la manière dont cet idéal se forme l’auteur a des vues originales. Nous pouvons penser à l’aide de signes abstraits, comme les prosateurs, comme les mathématiciens. Nous pouvons penser par images et sans le secours d’aucun mot. Ainsi font les poètes, et aussi les femmes et aussi les gens simples dont le savoir est nul, dont le bon sens est souvent profond. Pourquoi s’en étonner si l’on songe que l’office du mot est d’analyser, de décomposer et par conséquent de déformer ? Se représenter les choses par