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ANALYSES.setchénoff. Études psychologiques.

sur ma rétine : et je me le rappelle, parce que mon œil a reçu l’image de la porte près de laquelle il se tenait. »

Sur la fonction générale du système nerveux, M. Setchénoff émet des considérations analogues aux théories de M. H. Spencer : « Tout le monde sait que le but général vers lequel tendent toutes les activités du corps se résument dans la conservation de ce dernier. Pour que ce but puisse être atteint, la machine animale doit posséder les moyens de s’adapter aux diverses variations, du milieu ambiant ; et c’est à cela que servent tous les appareils nerveux. Ceux-ci ne sont que des régulateurs de la machine, des mécanismes qui la mettent en mouvement, dirigent son travail selon les besoins de l’adaptation et l’arrêtent quand il le faut[1]. »

Ce qui précède suffira, j’espère, à faire comprendre l’intérêt et la valeur des Études psychologiques : toutefois on aurait quelques objections à faire à l’auteur soit à propos de ses solutions psychologiques soit à propos de la philosophie que des termes impliquent ou paraissent impliquer. Il faut prendre garde en effet que l’auteur parle en psychologue non en philosophe et il ne faut pas oublier que les termes de la psychologie peuvent être interprétés bien différemment par les différentes philosophies.

Il serait jusqu’à un certain point intéressant de rechercher la part d’originalité de M. Setchénoff, je ne puis approfondir ici cette question ; toutefois je ferais remarquer que M. Wyrouboff dans sa préface me semble l’avoir exagérée. Je ne veux pas dire que M. Setchénoff n’ait pas trouvé personnellement ses théories psychologiques, car il cite surtout des physiologistes et ne parle jamais des psychologues, mais simplement que plusieurs de ses théories avaient été, au moins approximativement, émises avant lui, sans qu’il en eût eu connaissance. D’après M. Wyrouboff, son livre apparaît comme un document historique fort intéressant. « M. Setchénoff est le premier qui ait osé aborder avec les seules méthodes physiologiques, l’étude des questions les plus complexes de la psychologie, le premier qui eût tenté de réduire les plus hautes facultés de l’intelligence à des phénomènes simples d’innervation. Depuis, des écoles entières de psycho-physiologistes sont nées et se sont développées en Allemagne, en Angleterre, en France ; on a fouillé ce domaine encore si peu connu, on a découvert des faits nouveaux et abouti à des conceptions nouvelles, mais le point de départ est là, dans ces quelques pages sur les Actions réflexes du cerveau. »

M. Wyrouboff ajoute que, à son avis, on n’a ni surpassé, ni égalé M. Setchénoff. En ceci je ne puis être de son avis, toutefois je ne discuterai pas ce point, mais je ferai remarquer à propos du paragraphe que j’ai cité, que le livre de M. Setchénoff ayant paru en 1863, l’école de psychologie anglaise s’était manifestée dès 1855, par deux ouvrages auxquels on est bien obligé d’accorder quelque importance au point de

  1. P. 197.